Présidentielle 2022 : les influenceurs des réseaux sociaux, nouveaux personnages de la campagne ?
Dans la lignée d'Hugo Travers, jeune youtubeur qui avait interviewé les candidats lors de l'élection présidentielle en 2017, des nouveaux influenceurs ont décidé de prendre part à la campagne de 2022. A priori déconnectés de la politique, comme Magali Berdah qui a décidé de passer 24h avec tous les candidats, ces citoyens d'internet ont décidé de s'inviter dans la course à l'Elysée.
Depuis quelques jours, une influenceuse en particulier affole le petit monde politico-médiatique, on ne parle que d'elle : Magali Berdah, agent de stars de la téléréalité, chroniqueuse chez Hanouna, instagrameuse au million d'abonnés. Elle a décidé de passer 24h avec les candidats à la présidentielle. Elle explique pourquoi, sur sa chaîne YouTube. "J'ai envie de reprendre un peu mon devoir de citoyenne, d'aller voter. Peut-être comme vous qui n'allez pas voter, tout simplement parce qu'on ne comprend rien, j'ai envie de vulgariser la politique. Tout ça pour qu'on puisse prendre enfin nos décisions et pouvoir faire avancer ce magnifique pays."
Laetitia Krupa : En deux épisodes, avec Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, et des centaines de milliers de vues, Magali Berdah est devenue le nouveau phénomène ausculté, disséqué, par les médias traditionnels. Mais Gaspard Gantzer, pour les politiques, cette peoplisation de la communication c'est du 100% gagnant non ?
Gaspard Gantzer : 100% je ne suis pas sûr mais en tous cas c'est difficile d'y résister, parce qu'aujourd'hui les citoyens en France se défient de la politique et des dirigeants politiques, il est de plus en plus difficile de les intéresser aux élections qui se déroulent, certainement aussi parce que les partis politiques ne jouent plus totalement leur rôle et qu'il y a moins d'idées qui sont mises sur la table. Donc les politiques sont tentés de miser sur l'image, le people. Ce n'est pas nouveau car la presse people est depuis longtemps dans la partie et il y a déjà eu des émisssions télévisées qui ont emprunté le chemin de la vie privée des candidats, comme "Une Ambition Intime" de Karine Le Marchand. Mais aujourd'hui avec les influenceurs, un nouveau cap est franchi.
Laetitia Krupa : Est-ce que tous les candidats vont dire oui à Magali Berdah, vous avez des infos ?
Gaspard Gantzer : En tous cas, elle a proposé à tous les candidats et elle a annoncé elle-même que son prochain invité serait une femme. Donc cela pourrait être Marine Le Pen ou Valérie Pécresse, qui sont très tentées par cette invitation.
Laetitia Krupa : Cette stratégie assumée d'intégrer les influenceurs dans la communication politique est dirctement inspirée des Etats-Unis. La France est même carrément en retard, en pleine crise sanitaire Joe Biden a organisé une série d'interviews spéciales Covid sur YouTube avec des influenceurs spécialistes de maquillage et à la clé, des cartons d'audience.
En France, cela fait plus de deux ans que la doctrine du gouvernement est organisée autour des influenceurs. On a eu bien sûr Emmanuel Macron et les roulades des youtubers McFly et Carlito, mais c'est Gabriel Attal qui a ouvert le bal sur Instagram, en rectifiant le tir après une première expérience en 2018 où les jeunes avaient été rémunérés. Désormais, c'est gratuit et sans demande de vérification. D'autres ministres ont suivi, comme Elisabeth Moreno ou Marlène Schiappa, avec une réunion le 10 décembre dernier à Beauvau, avec six influenceuses, dont Magali Berdah, autour du thème de la lutte contre le sexisme.
Laetitia Krupa : Outre le problème de légitimité et de responsabilité que posent ce type de communication, est-ce que l'on peut dire que la campagne 2022 sera une campagne d'image ? Une campagne sur écran ? Efficace pour combattre l'abstention ?
Gaspard Gantzer : En tous cas, c'est l'intention de tous les politiques qui décident d'aller dans ce type d'émissions et de chaînes internet, parce qu'il y a une inquiétude très forte aujourd'hui, celle des records potentiels de l'abstention, bien que cette élection parvienne à mobiliser très largement les Français en général. Il y a tout de même un aspect vertigineux, quand on prend du recul, par rapport à l'intention initiale d'Emmanuel Macron en 2017. Il avait fait un constat très juste, il avait affirmé que la dignité de la fonction présidentielle devait être restaurée après les mandats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. C'est ce qu'il considérait et je pense que cela avait contribué à son élection. Mais quand on regarde le chemin parcouru tout au long de son quinquennat, on peut s'interroger sur la conduite de la politique en la matière.
Laetitia Krupa : Et il est difficile de mesurer l'impact direct de cette communication sur le vote. En France, lors de la dernière présidentielle, le candidat le plus connecté Jean-Luc Mélenchon était arrivé derrière François Fillon, qui lui était totalement allergique à la communication numérique.