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Économie et marchés

Pourquoi les ovnis reviennent à la mode aux États-Unis

Capture d'écran d'une vidéo rendue publique par le département américain de la Défense dans laquelle des pilotes américains s'interrogent sur la nature d'un objet volant non-identifié. Le Pentagone doit remettre avant dimanche un rapport très attendu sur les observations de "phénomènes aérospatiaux non-identifés". Il ne devrait pas contenir de révélations explosives, mais le fait que ce rapport ait pu voir le jour est un exploit en soi.  Oubliez l’agent Mulder de X-Files, ou la Zone 51 et son Roswell. Tout cela, c’est de la fiction. Le monde très fantasmé des ovnis est en passe d'entrer dans le réel avec la remise du rapport du Pentagone sur les phénomènes aérospatiaux non-identifiés, prévue dimanche 27 juin au plus tard. Ce document présente les conclusions d'experts mandatés par le ministère de la Défense concernant plus de 120 observations d’objets volants non-identifiés réalisées par des militaires américains au cours des vingt dernières années. Les ovnis, obscurs objets du désir bipartisan C’est le plus important effort de transparence du gouvernement américain concernant les ovnis – ou plutôt des UAP (Unidentified aerial phenomenon), comme le Pentagone les désigne – depuis les années 1960. Et il n’aurait probablement pas pu voir le jour sans la pandémie de Covid-19. L’ordre donné au ministère de la Défense de déclassifier toutes les données possibles à ce sujet a, en effet, été inscrit dans le plan de relance destiné à affronter la pandémie, signé le 27 décembre 2020 par Donald Trump, alors président des États-Unis. Cette clause donnait six mois à l’administration américaine pour rédiger son rapport. De quoi faire de fin juin le grand soir pour tous les mordus d’ufologie. Ils risquent cependant d’être déçus : le rapport ne contient nulle rencontre du troisième type. Aucun UAP n’est classifié comme d’origine extraterrestre, a affirmé le New York Times au début du mois, après s'être entretenu avec plusieurs responsables américains ayant pu lire en avant-première le fameux rapport. Toutefois, les experts du Pentagone ont conclu que certains engins observés semblaient disposer de technologies qui n’existent pas aux États-Unis. Et surprendre les tenants de la suprématie technologique américaine. Mais tout aussi étonnant est le fait que ce rapport ait pu voir le jour. Son existence illustre comment "les responsables militaires et politiques américains sont passés de ‘ET-sceptiques’ à ouvertement curieux" à ce sujet, remarque la BBC. C’est devenu l’un des rares sujets politiquement fédérateurs. "Après l’année politique que nous venons de vivre, cela fait du bien de voir un thème porté par les deux parties", note Robert Powell, membre de la Coalition de scientifiques pour l’étude des UAP, interrogé par le Washington Post. À gauche, Hillary Clinton, la candidate démocrate malheureuse face à Donald Trump en 2016, John Podesta, le chef de cabinet de Bill Clinton ou encore le sénateur démocrate Harry Reid, ont tous ouvertement soutenu l'intensification des recherches sur les phénomènes aérospatiaux non-identifiés. L’ex-président Barack Obama lui-même a reconnu, en mai 2021, qu’il "existait des enregistrements d’objets dans le ciel que nous n’arrivons pas à identifier". Dans leur croisade pour plus de transparence, ils ont été rejoints par des poids lourds du parti conservateur comme Marco Rubio, l’ex-enfant chéri du Tea Party ou Tucker Carlson, le célèbre commentateur ultra-Trumpiste de Fox News. Quarante ans de traversée du désert À l’heure où les deux grands partis américains n’arrivent même pas à se mettre d’accord sur le nom du vainqueur de l’élection présidentielle de 2020, "il est tout de même ironique de constater que ce qui rapproche les deux camps est quelque chose qui, il n’y a pas si longtemps encore, était considéré comme l’une des principales théories du complot", souligne Adam Jentleson, un temps conseiller du démocrate Harry Reid. Les États-Unis effectuent actuellement un virage à 180° sur cette question. La dernière fois que Washington avait officiellement pris les ovnis au sérieux remonte aux années 1950. Une explosion du nombre d’observations de "soucoupes volantes" par des Américains ordinaires avait alors poussé l’armée à se pencher sur la question, rappelle le New Yorker, qui a publié une longue enquête sur la chasse aux ovnis en avril 2021. Guerre froide oblige, les militaires américains n’étaient pas tant inquiets de se retrouver face-à-face avec un extra-terrestre que de découvrir un engin volant soviétique technologiquement en avance sur les États-Unis. Et la multiplication des témoignages d’observations de soi-disant aliens commençait à leur poser un problème. "Il y avait trop de bruit et le Pentagone craignait qu’avec tous ces rapports à analyser, il rate une vraie incursion aérienne soviétique", note le New Yorker. D’où une vaste campagne médiatique orchestrée dans les années 1960 par l’administration américaine pour tenter de dissuader la population américaine de traquer les "soucoupes volantes". Commence alors une traversée du désert du Nevada (où se trouve la Zone 51) de près de 40 ans pour les "ufologues" américains. Il faudra attendre un article du New York Times de 2017 pour que le sujet recommence à être pris un peu au sérieux. Le prestigieux quotidien y révèle l’existence d’un programme secret du Pentagone dédié à l’analyse des observations de phénomènes aérospatiaux non-identifiés.  Même si cette unité a fonctionné pendant cinq ans seulement – entre 2007 et 2012 –, avec un budget ridicule de 22 millions de dollars, les révélations à son sujet sont venues battre en brèche le mythe entretenu par Washington selon lequel le gouvernement considérait les ovnis comme des fadaises pour amateurs de théories du complot.  Surtout, l’article du New York Times démontrait que les observations d’UAP provenaient fréquemment de militaires, ce qui leur donnait plus de crédibilité. Depuis lors, les médias américains ont pu mettre la main sur plusieurs vidéos et enregistrements audio de pilotes de l’US Air Force qui se retrouvent face à des engins volants semblant effectuer des manœuvres défiant l’entendement terrestre. Crainte de la Chine et envie de transparence Cette fois-ci, les autorités ont confirmé, en 2020, l’authenticité de ces observations, tout en ajoutant que rien ne permettait de dire qu’il s’agissait d’objets extraterrestres. La même année, le Pentagone a annoncé la création d’une nouveau programme de suivi et d’analyse de ces "incidents".  Dans la foulée, deux anciens patrons de la CIA – James Woolsey et John Brennan – ont affirmé qu’ils étaient devenus plus attentifs à la question des ovnis car "il y avait clairement des phénomènes qui ont surpris des pilotes très expérimentés". Pour le Washington Post, ce n’est pas un hasard si cette question revient actuellement sur le devant de la scène : comme au début de la guerre froide, les États-Unis se sentent de nouveau menacés dans leur supériorité militaire et technologique.  Cette fois, l’épouvantail est chinois. Selon le journal, la nouvelle obsession de Washington pour les UAP découlerait directement de sa crainte de découvrir que l’adversaire du moment dispose d’armes plus avancées que les siennes. La publication d’un rapport sur ce sujet présente aussi un avantage politique, poursuit le Washington Post. À un moment de grande méfiance à l'égard des institutions américaines, un peu de transparence ne peut pas faire de mal.

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