Paris : recherche appartement désespérement
En 2024, trouver un logement à Paris pourrait relever de la discipline olympique ! La capitale souffre actuellement d’une pénurie de biens à louer. Loyers en hausse, location saisonnière, rénovation énergétique… Les freins sont nombreux. Les agents immobiliers croulent sous la demande et les candidats locataires paient le prix fort.
Léandre, 27 ans, recherche un logement depuis deux mois. Il a déjà visité une quinzaine d’appartements, mais en vain. Chaque matin, il écume les annonces de logement, sans succès. Il est actuellement logé par un membre de sa famille, dans un 15 mètres carrés. Malgré son CDI dans l’évènementiel, un revenu net mensuel d’environ 2400 euros et deux garants, son dossier n’aboutit pas. "Il y a deux trois appartements sur lesquels j’étais en finale, si on peut dire", raconte le jeune chef de projet évènementiel. "Malheureusement à chaque fois, ils prennent les dossiers où la rémunération est la plus élevée, ce que je peux comprendre du point de vue sécurité pour eux. Il y a de moins en moins d’offres et forcément à la longue on se pose la question de savoir si c’est un bon choix ou non de rester dans cette ville même si elle a tous les avantages du monde."
Le cas de Léandre est loin d’être une exception. A Paris, la demande de logements explose ces derniers mois. L’offre d'appartements à louer a diminué de 74% en 3 ans. Les professionnels du secteur eux aussi, en font le constat. "Sur 4 biens disponibles, 3 ont disparu ce qui est quand même assez incroyable comme chiffre. A titre de comparaison, en France par exemple, sur la même période, on a une baisse de l’offre locative de 25%, donc 3 fois plus importante à Paris que sur le reste du territoire français", explique Barbara Castillo-Rico, directrice des études économiques chez SeLoger. "Comme conséquence mécanique, on a des loyers qui ont commencé à accélérer depuis deux ans, mais surtout cette dernière année en 2023. On est passés d’une hausse à moins de 2%, à plus de 3%."
Le Parc immobilier parisien subit les effets de la crise. En cause notamment, la hausse des taux d’intérêt depuis deux ans, qui dissuade les locataires d’acheter. Résultat : ils restent locataires et ne libèrent pas leurs logements.
Passoires thermiques
Un autre phénomène amplifie également cette pénurie. A Paris, 35% des logements sont des passoires thermiques, souvent classés G et F. Les propriétaires de ces logements ne pourront plus les louer d’ici 2025 et 2028 si des travaux d’isolation n’y sont pas effectués, ce qui à des conséquences directes sur le volume de biens à louer. "Aujourd’hui, beaucoup de biens dans l’ancien sont classés F et G et donc on est face à des propriétaires qui s’interrogent beaucoup", explique aussi Eddy Gapihan, agent immobilier. "Certains mettent en vente leur appartement car ils n’ont pas les moyens de faire les travaux".
Suite à la contestation de certains bailleurs, le gouvernement a annoncé un nouveau mode de calcul du Diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les petites surfaces. Il devrait entrer vigueur le 1er juillet 2024 et concerner 11% des logements de cette catégorie. Certains biens de moins de 40 mètres carrés pourraient donc échapper à ces restrictions. Un coup de pouce, mais qui à terme, ne suffira pas à réalimenter le marché.
Mais alors que la capitale souffre d’une pénurie de bien à louer, un logement sur cinq resterait inoccupé à Paris. Les résidences secondaires et logements occasionnels représentent 262 000 logements vides, ou quasi vides, toute l’année, selon l'APUR.
Fraude et Airbnb
Certains sont notamment utilisés pour la location meublée touristique. Rien que sur Airbnb, on en compte au moins 60 000 officiellement disponibles, selon la mairie de Paris. Avec l’arrivée des JO de 2024, de nombreux propriétaires veulent en profiter. L’ADIL, l’agence départementale d’information sur le logement, constate une augmentation des congés de reprise, notamment pour les baux meublés. "Alors évidemment cela va tenter beaucoup de gens de pouvoir louer à la nuitée des sommes faramineuses, alors que d’un autre côté les loyers sont encadrés lorsqu’ils louent aux locataires qui l’occupent à titre de résidence principale", confirme Sophie Morvan, juriste à l'ADIL, qui explique que cela peut inciter à la tromperie. "Le seul moyen de prouver qu’il y a fraude, c’est une fois parti, de revenir sur les lieux, d’obtenir des témoignages de voisins, de prendre éventuellement la boîte aux lettres en photo pour que le nom qui avait été invoqué dans le congé corresponde bien ou pas, et à ce moment-là on peut penser qu’il y a une fraude. Il y a un recours judiciaire possible pour le locataire pour obtenir des dommages et intérêts. Le propriétaire peut se voir infliger une amende de 6000€."
Les candidats locataires sont obligés de rechercher un nouveau logement, dans un contexte très délicat. Certains se tournent vers de nouveaux intermédiaires et délèguent leur recherche d'appartement. "Le but c’est que nous, nous soyons là, à leur place, disponibles, dès que les appartements sortent", explique Cyril Bathélémy, assistant de recherche. "Comme cela, dès que quelque chose sort, on appelle le plus vite possible et on réserve une visite. Je pense plus que c’est de l’assistance. Le but c’est de la personne fasse que la visite et tout ce qu’il y a autour, la réservation, tout ce qui est papiers, envoi de dossier, modification de dossier, etc. c’est nous qui le faisons".
Les professionnels du secteur prévoient un regain d’annonces en septembre, après les JO… Mais en attendant, à Paris, la course au logement continue.