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"Paris est un grand parcours d'obstacles" : pour les JO-2024, le défi des transports accessibles

Compte à rebours Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris-2024 doivent permettre, selon les organisateurs, d’accélérer l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap dans la capitale. Dans les transports, les associations déplorent cependant des mesures prises uniquement pour le temps de la compétition et une "occasion manquée" de transformations plus profondes. Explications. Serge Mabilly tape sa destination sur son téléphone portable : le palais omnisport de Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. Depuis la place d'Italie - 2 km à vol d'oiseau -, son trajet pourrait ne durer qu'une dizaine de minutes, grâce à la ligne 6 du métro. Mais pour le quinquagénaire, qui se déplace en fauteuil roulant, il faudra en compter au minimum quarante. Car à cet endroit, la station de métro n'est qu'un dédale d'escaliers. Impraticable. "C'est un parcours du combattant de se déplacer à Paris quand on est à mobilité réduite", dénonce ce vice-président de l'association APF France handicap, avant de dresser un constat sans appel : "Il va falloir accélérer la cadence pour être prêt pour les Jeux olympiques et paralympiques." Depuis la candidature de Paris en 2015, les organisateurs s'engagent à faire de Paris-2024 des "Jeux inclusifs et accessibles", qui permettront de transformer le quotidien des 12 millions de Français, soit 17 % de la population, qui souffrent d'un handicap moteur, sensoriel, cognitif ou mental.  Quelque 350 000 usagers handicapés  Hébergements, voirie, accessibilité des sites, commerces, transports… Les chantiers sont nombreux. Et parmi eux, celui des transports franciliens paraît titanesque : au total, selon les estimations, 350 000 personnes en situation de handicap devront se déplacer dans la capitale pendant l'été 2024, soit 4 à 5 000 individus par jour.  Or, à un an de l'échéance, prendre le métro, le bus ou le RER relève souvent du cauchemar. "Le métro c'est le pire. Il n'y a que la ligne 14 et quelques stations qui sont accessibles, sinon ce ne sont que des escaliers. Et je ne compte pas le nombre de fois où les ascenseurs sont en panne", témoigne Serge. Bien souvent, sa seule solution est de se rabattre sur les lignes de bus. "Mais les temps d'attente sont plus longs et on est plus dépendants de la circulation", poursuit-il. "Et il arrive régulièrement qu'on m'empêche de monter parce que la rampe d'accès est cassée, parce qu'il y a déjà trop de monde ou parce que le bus n'a pas pu se garer comme il fallait…" À cela viennent s'ajouter les nombreux obstacles sur la chaussée : nid de poule, trottoirs trop hauts, travaux… "Quand on est handicapé moteur, il faut être patient et sportif, ou prendre sa voiture", conclut-il. Du côté d'Île-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports, Grégoire de Lasteyrie, vice-président représentant la ville de Paris, assure pourtant multiplier les travaux pour améliorer la situation. Quais rehaussés, balises sonores et bandes de guidage revues, signalétique améliorée et assistance… Une enveloppe d’1,5 milliard d’euros est prévue pour rendre accessibles d’ici à 2025 les 270 gares SNCF franciliennes qui accueillent plus de 5 000 voyageurs par jour. "100 % des lignes de trams et les RER A et B le sont déjà et, d'ici janvier 2024, ce seront toutes les lignes de bus de la région." "Dans le métro, c'est beaucoup plus complexe. Le réseau est centenaire, certaines stations sont impossibles à aménager", se défend-il, rappelant néanmoins que, d'ici 2024, quatre stations supplémentaires devraient être rendues accessibles - passant le nombre de 14 à 18. "Et les 21 nouvelles, liées aux prolongements des lignes 4, 11, 12 et 14 le seront aussi." Au total, 5 % du réseau métropolitain devrait ainsi être utilisable pour les personnes en situation de handicap lors des Jeux olympiques et paralympiques. Navettes, taxis, places de stationnement… Malgré ces efforts, le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques en convient : cela ne suffira pas à acheminer tous les visiteurs en situation de handicap vers les 24 sites olympiques disséminés sur le territoire d'ÎIe-de-France.  Pour pallier ce manque, il a donc réfléchi à plusieurs mesures pour renforcer l'offre. Le dispositif Pour aider à la mobilité (PAM) – service public de transport à la demande pour les personnes à mobilité réduite – sera ainsi simplifié et moins cher (2 euros le ticket). Des navettes adaptées seront déployées entre les grandes gares parisiennes et les différents lieux des JO. Le gouvernement, quant à lui, a promis de porter la flotte de taxis parisiens adaptés aux fauteuils roulants de 200 à 1 000 véhicules. Enfin, des zones de stationnement et de dépose seront réservées aux personnes en situation de handicap "au plus près des lieux de compétition". "Notre démarche globale est de garantir aux spectateurs en situation de handicap, que ce soit aux JO ou pour les paralympiques, un accompagnement qui répond à leurs besoins du début à la fin de leur visite. Dans les transports, cela passe par offrir plusieurs alternatives", résume Ludivine Munos, responsable de l’intégration paralympique et de l’accessibilité à Paris-2024, et ancienne championne paralympique de natation. "Nous travaillons aussi aux abords des gares et des sites olympiques pour s'assurer que chacun puisse se déplacer le plus sereinement possible, sans obstacle." Un dispositif que saluent Serge Mabilly et Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité à APF France handicap, qui est associé aux réunions sur l’accessibilité organisées avec les organismes de transport, le Comité d’organisation des Jeux et le gouvernement. Mais il soulève tout de même quelques interrogations : "Le système de navettes est très bien sur le papier, mais encore faut-il pouvoir rejoindre les gares points de départ sans encombre. Faudra-t-il subir les transports en commun ?" questionne Serge.  Lui-même joueur de tennis fauteuil, il compte bien prendre des billets pour les compétitions de son sport fétiche. Mais pour le moment, il n'est pas sûr de comment il se rendra à Roland-Garros, porte d'Auteuil, où auront lieu les matches. "Ces dispositifs prévoient seulement une place pour la personne handicapée et un accompagnant. Moi, par exemple, je veux venir en famille. Nous sommes quatre. Comment devons-nous faire ? Nous séparer ?", poursuit-il. "Et on parle de 350 000 personnes, y aura-t-il suffisamment de navettes et de places de stationnement disponibles ?" Moins de questions se posent pour les quelque 9 000 para-athlètes attendus. Tous seront logés au village des athlètes, en Seine-Saint-Denis, qui promet d'être, du bac de douche à la signalétique dans les rues, totalement inclusif et accessible. Là-bas, des systèmes de navettes réservées et adaptées permettront de se déplacer dans l'enceinte du village et jusqu'au lieu de compétition. L'héritage en question Au-delà de ces interrogations qui perdurent, Nicolas Mérille regrette, de son côté, que ces mesures "court-termistes" fassent oublier le "peu de progrès durables". "Les Jeux olympiques et paralympiques étaient la parfaite occasion d'améliorer considérablement l'accessibilité de Paris et de l'Île-de-France", déplore-t-il. "On n'arrête pas de nous parler de l'héritage des Jeux, malheureusement il semblerait qu'en terme de transports, cela sera assez limité." Une déception d'autant plus grande pour le conseiller d'APF France handicap, alors que la France a déjà été rappelée plusieurs fois à l'ordre pour ses manquements sur la question. En septembre 2021, l'ONU l'avait en effet appelé à se mettre en conformité avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Depuis 2005, la loi handicap est pourtant censée garantir l'accessibilité à tous.  "Il reste un an, tous les acteurs semblent mobilisés. Il est encore temps d'accélérer la cadence", concluent les deux hommes. "Pour que ces Jeux ne soient pas seulement un succès pendant l'été 2024 mais aussi après."

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