Mondial-2022 : l'Argentin Emiliano Martinez est sorti de sa cage
La consécration de "Dibu"
Le gardien argentin Emiliano Martinez, lors de la séance de tirs aux buts contre la France, le 18 décembre
Dans un match échevelé, le gardien de l'Albiceleste a offert le sacre à son équipe avec une parade cruciale aux tirs au but (3-3, 4 t.a.b. à 2), synonyme de troisième étoile de l'Argentine. Il avait déjà brillé dans cette épreuve face aux Pays-Bas en quarts de finale et a été désigné meilleur gardien du Mondial.
Quelques minutes après la fin dela finale remportée contre la France, Emiliano Martinez s'est vu remettre, dimanche 18 décembre, un trophée en forme de main venant récompenser son parcours en Coupe du monde, conclu par une héroïque prestation lors de la séance de tirs au but en finale contre l'équipe de France.
"Ils ont eu ce penalty (pour égaliser à 3-3) et après, tout ce dont j'avais rêvé s'est réalisé", a raconté à chaud "Dibu". "Je n'ai pas de mots pour ça. J'étais tranquille pendant la séance des tirs au but, et tout s'est déroulé comme on le souhaitait".
Difficile de dire qu'un portier a fait un excellent match lorsqu'il a encaissé trois buts. Mais il était écrit que cette rencontre allait s'achever aux tirs au but, et que "Dibu" Martinez (30 ans) serait la principale tête d'affiche de cette séance supplémentaire dans un match qui fut un ascenseur émotionnel.
Sur les trois buts qu'il encaisse, le gardien ne peut pas faire grand chose : il y a deux penalties parfaitement tirés par Kylian Mbappé (80e et 118e) et une frappe puissante de l'attaquant français (81e). Mais ensuite, "Dibu" était sur son terrain : celui du mental.
"Je suis froid dans ma tête et je ne me concentre que sur le fait d'arrêter le ballon adverse", avait-il prévenu samedi en conférence de presse.
Un parcours difficile
Il s'est détendu sur sa droite sur la tentative de Kingsley Coman, puis il a regardé passer avec soulagement la frappe d'Aurélien Tchouaméni au ras de son poteau droit, non sans s'être livré juste avant à un coup de pression psychologique payant.
Et on l'a vu, son drapeau argentin teint dans les cheveux, dansant avec rage et délectation, en dodelinant des épaules, avant de célébrer avec Léandro Paredes qui venait de réussir sa tentative.
À quoi pensait Emiliano "Dibu" Martinez lorsque cette finale haletante s'est achevée par cette séance de tirs au but, l'un de ses exercices favoris ?
À la trajectoire heurtée d'un gamin d'origine modeste contraint de quitter sa famille très tôt ? Aux nombreux sacrifices qu'il a dû consentir avant d'atteindre le Graal d'un titre mondial au Qatar ? "C'est difficile de ne pas penser aux difficultés que j'ai vécues avant d'arriver jusque-là", disait-il samedi. "Je suis un battant, et je me suis battu toute ma vie."
"Une bête, un phénomène"
À 12 ans, il quitte sa famille pour tenter sa chance à Independiente. À 18 ans, en 2010, il traverse l'Atlantique pour signer à Arsenal... mais met près d'une décennie à faire son trou en Angleterre. Il multiplie les prêts dans des clubs de seconde zone, toujours en Angleterre, hormis un détour espagnol d'un an à Getafe(2017-2018), et ne deviendra gardien n°1 qu'à 28 ans, en fin de saison 2019-2020 à Arsenal, avant son transfert à Aston Villa.
En sélection, même chose : appelé pour compléter le banc en 2011 pour deux matches amicaux, Martinez n'est plus convoqué pendant huit ans... Et ce n'est qu'en juin 2021 qu'il dispute ses premières minutes dans les cages de l'Albiceleste, lors des qualifications pour la Coupe du monde.
Son statut de gardien n°1, il l'a confirmé plus tard, lors du sacre en Copa America, en 2021. Une image a notamment fait le tour du monde : en demi-finale contre la Colombie, l'Argentine est poussée aux tirs au but (1-1). Martinez multiplie alors les provocations pour déstabiliser les tireurs et conclut la séance avec deux arrêts pour hisser l'Argentine en finale.
"Dibu" finira, déjà, Gant d'or du tournoi et, vu son état second, gagnera une réputation de spécialiste des tirs au but. "La première chose que j'ai faite après ça, c'est d'appeler ma psychologue pour me calmer", avait-il raconté quelques mois plus tard.
Dans ce Mondial-2022, rompu à l'exercice, il avait déjà stoppé les deux premiers tirs au but des Pays-Bas en quarts. "Je lui ai dit que c'était une bête, que c'était un phénomène", avait alors glissé son capitaine Lionel Messi. Un phénomène, et un champion du monde.
Avec AFP