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Loi "sécurité globale" : vive polémique autour du port d’arme des policiers hors service

Le Sénat a adopté jeudi l’article 25 de la loi "sécurité globale" visant à autoriser le port d'arme par les policiers et gendarmes hors service dans les lieux accueillant du public, sans que les responsables d'établissement ne puissent s’y opposer. Un texte qui suscite l'opposition d'élus de tous bords. Ceux qui n’ont pas aimé l’article 24 de la loi "sécurité globale" concernant l’enregistrement et la diffusion d’images montrant des forces de l’ordre pouvant être identifiées, risquent de détester plus encore l’article 25 de la même loi. Peu évoqué dans les médias, le texte adopté jeudi 18 mars au Sénat sur le port d’arme par les policiers et gendarmes en dehors de leur service soulève pourtant bien des questions. Il provoque même une levée de boucliers d’élus de toutes tendances politiques. L'article qui a été voté par 214 voix pour et 121 contre, sans modification par rapport au texte de l'Assemblée nationale, prévoit que les policiers et gendarmes qui portent leurs armes en dehors de leurs heures de service ne peuvent plus se voir refuser l'accès aux ERP (établissements recevant du public) que sont les musées, les théâtres, les cinémas, les centres commerciaux ou encore les écoles. "Nous n’inventons pas l’eau chaude", s'est défendu jeudi, lors du débat au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, soucieux de rappeler que le port d’arme hors service n’est pas chose nouvelle. Depuis 2016, policiers et gendarmes disposent en effet déjà du droit de porter leur arme en dehors de leur service dès lors qu’ils en font la demande auprès de leur hiérarchie. Aujourd'hui, plus de 30 000 policiers rentrent chez eux ou vivent avec leurs armes en dehors de leur service. Jusque-là, les responsables d’ERP pouvaient s’opposer à cette disposition car il n’y avait pas de cadre légal. "Il y a simplement une coutume qui veut que le patron ou la patronne de l’établissement recevant du public peut refuser l’entrée", a poursuivi le ministre devant les sénateurs. À la place de l’article réglementaire du code de sécurité intérieure, "nous proposons d’instaurer une législation […], cela devrait plaire aux législateurs que vous êtes." "Une logique simpliste" Mais la mesure n’a pas été du goût de tous les parlementaires. Une série d'amendements visant à la suppression de l’article controversé a été défendue par les groupes PS, écologiste, CRCE à majorité communiste, des sénateurs du groupe RDSE à majorité radicale ainsi que par plus d'une vingtaine de cosignataires centristes, Les Républicains et Indépendants. "Décider de porter une arme n'est pas anodin, a fait valoir Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne. D’abord pour les policiers et les gendarmes eux-mêmes. […] Mais aussi pour les autres. Quel sentiment éprouvons-nous si dans une salle de spectacle nous voyons à côté de nous une personne en civil qui porte une arme ? Est-ce que vous vous sentez rassuré, ou est-ce que vous vous sentez inquiet ?" Des arguments partagés par Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine. "Rien ne prouve qu’un policier armé puisse apporter dans un ERP plus de sécurité. […] Il faut sortir de cette logique simpliste”, ajoute l’élue, évoquant la possibilité d'un "accident" si une arme tombe ou est subtilisée. Une "régression", selon Amnesty international "Toutes les mesures visant à étendre le port d’arme sont autant de régressions, estime de son côté Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer à Amnesty international, dans un entretien accordé à France 24. Cette mesure fait porter une lourde responsabilité aux policiers et aux gendarmes, qui doivent toujours être en mesure d’intervenir, même dans un lieu de fête. Et que se passerait-il si l’un d’entre eux venait à boire en possession de son arme ? Avant de prendre ce genre de décision, il eût été bon de faire des évaluations pour voir si ce genre de mesure est vraiment utile." Du côté des organisateurs de festivals, on craint également que les services de sécurité soient désormais obligés de laisser passer des hommes en civil armés avec une simple carte de police, qui peut être facilement falsifiée. "Un faux débat" "C’est un faux débat, balaie d’un revers de manche Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative police-CFDT. Depuis 2016, des policiers sortent dans des lieux publics avec une arme cachée dans leur holster, ou dans une sacoche l’été, et cela n’a jamais posé problème. Bien au contraire, c’est un gage de sécurité supplémentaire de savoir que des policiers et gendarmes puissent intervenir en cas d’attentat." Et le syndicaliste de poursuivre : "Les policiers français sont encore loin de leurs homologues américains, qui ont toute autorité pour faire usage de leur arme. En France, son usage reste extrêmement encadré et ne peut se faire que dans le strict cadre de la légitime défense." Frédéric Ploquin, spécialiste de la police et auteur du livre "Les Narcos français brisent l'omerta" (éd. Albin Michel), n’y voit pas non plus de dérive. "D'abord parce qu'il n’y a aucune obligation des policiers à porter une arme hors service. Et il ne s’agit que d’intervention dans un cadre terroriste comme celui du Bataclan. Beaucoup d’entre eux m’ont confié ne pas vouloir se cacher avec les autres sous les tables en cas d’attaque. Ils préfèrent intervenir par amour du boulot." Mesure rassurante ou dérive sécuritaire, les sénateurs ont de toute façon tranché. Adopté "conforme" par les deux chambres en première lecture, l’article 24 ne pourra plus être modifié en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

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