Les transports causes et victimes du dérèglement climatique
La COP26 s’est clôturée hier samedi 13 novembre à Glasgow Les transports y ont occupé une place essentielle, avec notamment une journée dédiée. Mais si les conséquences de l’augmentation des émissions dues au secteur du transport sont largement documentées, ce secteur est aussi une des victimes du changement climatique.
Les 196 pays rassemblés depuis deux semaines à Glasgow (Ecosse, Royaume-Uni) ont trouvé un accord, samedi 13 novembre dans la soirée, pour clôturer la COP26. Ils ont adopté un texte commun, le Pacte de Glasgow pour le climat.
Tous les types de transport seront affectés par le réchauffement climatique, du ferroviaire aux infrastructures maritimes en passant par le routier, et même l’aérien. Il est dès lors central d’anticiper au risque de voir se dégrader gravement la mobilité.
En effet, de nombreux enjeux économiques et sociaux dépendent de la capacité à opérer à plein potentiel grâce aux infrastructures de transport. Cette anticipation doit être menée de la conception à l’exploitation des infrastructures, sans oublier l’échelon managérial et la planification à long terme.
Un secteur fortement impacté par le réchauffement climatique
Le changement climatique fait déjà sentir ses effets. On voit une augmentation nette du nombre d’ouragans et de typhons depuis les dernières années, des événements de plus en plus violents. Ainsi, entre entre 1967 et 2018, les ouragans sont devenus deux fois plus intenses et durent deux fois plus longtemps. En France, les événements observés sont principalement les vagues de chaleur en été, les inondations et les tempêtes.
"On peut voir des chaussées et des rails déformés par la chaleur. Les événements extrêmes comme les inondations peuvent détruire des ouvrages d’art. Par exemple, lors des inondations en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, 6 ponts et 30 kilomètres de voies ont été détruits et 500 kilomètres de voies ont été endommagées", souligne Vincent Depouès, chef de projet à l’Institut d’Économie du Climat.
La hausse du niveau des océans va aussi impacter toutes les infrastructures côtières.
La France a connu 3 200 incendies qui ont détruit 11 400 hectares de forêts. Ces feux se situaient à 85% dans la moitié sud de la France. Avec le changement climatique, il va falloir s’attendre à une augmentation du nombre d’incendies, mais aussi à une extension des incendies vers de nouvelles régions, exposant d’autant plus les infrastructures de transport.
Un coût financier autant que social important
Ces événements extrêmes risquent de coûter très cher. Tout secteur économique confondu, les assurances ont remboursé 1 milliard d’euros en 1980, contre 3 milliards en 2010, et les raisons ne sont pas uniquement l’augmentation des actifs assurés, mais bel et bien une augmentation des événements extrêmes.
Lorsqu’on sait qu’un kilomètre de Ligne Grande Vitesse coûte 16 millions d’euros, on imagine que, sans anticipation des ces risques, l’addition s’avérera salée, d’autant que les modifications climatiques vont grandement augmenter l’usure des infrastructures. Ainsi, dès à présent, les épisodes cévenoles usent rapidement les infrastructures ferroviaires du Sud de la France. L’extension à d’autres régions, dans les années à venir, est aussi à craindre pour ce type d’usure.
Les conséquences des augmentations des températures prévues peuvent aussi impacter l’humain, il est ainsi possible que les techniciens SNCF soient prochainement obligés de travailler dans des températures avoisinant les 60°, au sein des technicentres de la SNCF. De même, pour éviter que les usagers ne voient leurs conditions d’utilisation se dégrader durant les vagues de chaleur, les exploitants devront s’appuyer sur la climatisation des véhicules, qui s’ajouteront à la climatisation globale, qui représente déjà 10% de la consommation électrique mondiale.
Comment s’adapter à ces évolutions ?
Il faut être conscient que le génie humain peut construire des infrastructures de transport dans quasiment toutes les conditions météorologiques. Le problème, c’est qu’une infrastructure de transport est conçue pour résister à une certaine gamme de conditions, qui vont évoluer avec le changement climatique. Lorsqu’on construit une infrastructure qui va durer 40 ans, 50 ans, comme des infrastructures ferroviaires, il faut déjà penser à ces évolutions.
D’après un rapport du Parlement européen, l’anticipation des futures conditions météorologiques dans la conception d'infrastructures de transport devraient entraîner un sur-coût de 3% pour leur conception. Sans atténuer totalement l’impact du changement climatique, cela devrait diminuer de moitié les pertes annuelles dans le secteur du transport français en 2050, passant de plus de 1 milliard à environ 500 millions d’euros.
Ces évolutions peuvent être gérées en amont, par exemple en remplaçant les infrastructures existantes avec de nouvelles, plus en phase avec les évolutions climatiques prévues. On peut aussi faire le choix de continuer de travailler avec les infrastructures actuelles, quitte à intervenir plus régulièrement dessus, voire même accepter une diminution des capacités opérationnelles. Quoiqu’il en soit, la coopération à l’échelle internationale est, comme toujours, une brique essentielle pour anticiper et s’adapter, en s’inspirant des civilisations habituées à subir des événements climatiques extrêmes.
Le changement climatique nous imposera une adaptation de notre transport, mais il pourrait aussi offrir de nouvelles opportunités. Par exemple, la Russie table sur le sujet pour ouvrir une nouvelle route commerciale à travers les pôles, et certains ports se questionnent sur les opportunités que cela va créer pour eux. Cependant, il faut garder à l’esprit que nous avons bien plus à perdre qu’à gagner avec le changement climatique, et qu’une fois de plus, la balle est dans notre camp.