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Les rencontres de Saint-Denis, un rendez-vous déjà obsolète ?

Après une première rencontre organisée fin août, Emmanuel Macron convie pour la deuxième fois, vendredi à Saint-Denis, les chefs de partis pour une nouvelle réunion. Celle-ci portera notamment sur l’évolution du périmètre du référendum, qui pourrait permettre, comme le souhaitent la droite et l’extrême droite, l’organisation d’une consultation sur l’immigration. Mais ni LR, ni le PS, ni LFI ne seront présents, de quoi remettre en cause l’intérêt de ces rencontres et leur poursuite. Les rencontres de Saint-Denis, acte II, mais avec des absents de marque. Comme il l’avait fait le 30 août, Emmanuel Macron a de nouveau convié, vendredi 17 novembre, les chefs des principaux partis politique à se réunir autour d’une table pour "dépasser les clivages dans l'intérêt du pays", selon les termes de son invitation. Mais plusieurs figures de l’opposition – Manuel Bompard (La France insoumise), Éric Ciotti (Les Républicains) et Olivier Faure (Parti socialiste) – ont décliné l’invitation, transformant ce qui était présenté par l’Élysée au cœur de l’été comme une "initiative politique d’ampleur" en possible rendez-vous déjà devenu obsolète. "Je pense que c'est une faute politique majeure de la part de ces dirigeants", a tancé le président de la République, mercredi 15 novembre, depuis la Suisse, affichant sa "surprise" à l'égard des patrons LR et PS "qui ont eu pendant des décennies à gouverner la France". "Ils iront expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ne sont pas là", a ajouté Emmanuel Macron. Plusieurs responsables d'opposition seront toutefois présents, à gauche (Parti communiste, Europe Écologie-Les Verts) comme à l'extrême droite (Rassemblement national). Les centristes de l'UDI ainsi que les membres de la majorité (Renaissance, MoDem, Horizons, Parti radical) complèteront le tour de table, avec les présidents des trois chambres parlementaires (Assemblée nationale, Sénat, Conseil économique social et environnemental). La première rencontre, organisée fin août à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis, à deux pas de la basilique où reposent les rois de France, avait duré 12 heures et s’était conclue au milieu de la nuit. Pour autant, ce marathon politique avait débouché sur peu d’engagements concrets de la part du chef de l’État : une conférence sociale sur les bas salaires et un débat au Parlement sur la situation internationale. Pour ce deuxième acte, figurent au programme la situation au Proche-Orient, l’évolution du périmètre du référendum et des modalités du référendum d’initiative partagée, la décentralisation, le cas de la Corse, de la Nouvelle-Calédonie et plus globalement les Outre-mer, indiquait l’invitation envoyée le 5 novembre par l’Élysée. Éric Ciotti absent à la surprise générale Mais alors que la question du référendum était une demande du parti Les Républicains, qui réclame comme l’extrême droite de pouvoir consulter les Français sur l’immigration, son patron Éric Ciotti a annoncé contre toute attente, mardi 14 novembre, son refus de participer à cette nouvelle rencontre. "L'absence du président de la République dimanche à la manifestation contre l'antisémitisme a fini de me convaincre de ne pas y participer", a-t-il justifié dans un entretien avec Le Figaro, fustigeant au passage "une énième démarche de communication" d’Emmanuel Macron. Une situation paradoxale puisque, à l’inverse, le patron des socialistes Olivier Faure a expliqué son absence, dans un courrier envoyé le 16 novembre au président de la République et consulté par France 24, en l’accusant de s’aligner sur les positions de la droite et de l’extrême droite en matière d’immigration quand, dans le même temps, il refuse à la gauche un référendum sur la taxation des plus riches. "Vos choix ont le mérite de la limpidité. Ma réponse se veut tout aussi explicite. (…) Comment imaginer qu’il serait demain possible de répondre par ‘oui’ ou par ‘non’ à un sujet aussi complexe que la politique migratoire, mais que cela ne le serait pas pour manifester la simple volonté de faire contribuer davantage les grandes fortunes et les multinationales à nos projets collectifs ?", interroge Olivier Faure. Une autre critique exprimée par le premier secrétaire du PS porte sur le contournement du Parlement que constitue selon lui ces rencontres de Saint-Denis. Il est rejoint en ce sens par le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, qui a lui aussi décliné l’invitation. "Nous rejetons la multiplication de ces exercices monarchiques visant à contourner le débat organisé dans ses formes constitutionnelles (...) C'est pourquoi nous ne participerons pas à ce nouvel exercice de communication. Nous continuerons à porter nos propositions au Parlement", fait-il savoir dans un communiqué publié le 7 novembre par LFI. "C’est important qu’il y ait une voix de gauche qui s’exprime" S’il partage les critiques pointées par ses anciens alliés de la Nupes, le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, juge important, de son côté, de ne pas jouer la politique de la chaise vide et de rencontrer Emmanuel Macron. "Nous avons des choses à lui dire, c’est important qu’il y ait une voix de gauche qui s’exprime, affirme-t-il. D’abord sur la vie chère, rien ou si peu a été fait. Les entreprises préfèrent garder des marges importantes plutôt que de baisser les prix et les salaires n’augmentent pas. Nous voulons aussi parler de la paix au Proche-Orient et de la nécessité d’un cessez-le-feu à Gaza. Il ne peut pas y avoir un soutien inconditionnel à Israël quand on voit le massacre de masse qui se déroule." Pour autant, ce sera "peut-être la dernière fois", admet-il. "À quoi bon se voir pendant des heures si ces rencontres ne produisent pas les effets escomptés ? C’est un peu sa dernière chance de nous convaincre", lâche Fabien Roussel. Imposer ses thématiques, c’est aussi ce qui pousse Marine Tondelier à revoir le chef de l’État, qui n’a encore une fois pas inscrit l’environnement à l’ordre du jour. "Vingt-et-un ans après le Sommet de la Terre à Johannesburg et pour paraphraser le Président Jacques Chirac, vous décidez aujourd'hui, Monsieur le Président, de regarder ailleurs pendant que la maison brûle. Je vous confirme donc que je serai présente pour porter ces sujets", a écrit la secrétaire nationale d’EELV dans un courrier envoyé à Emmanuel Macron le 11 novembre et dont France 24 a eu copie. "En étant présent, cela permet d’imposer cette question, veut croire l’entourage de Marine Tondelier. Et même si nous ne sommes pas dupes sur la capacité d’écoute du président, c’est quand même mieux d’être présent pour exprimer nos idées, plutôt que de le laisser en tête-à-tête avec l’extrême droite sans savoir ce qu’ils se disent." Car le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, sera bien présent à cette rencontre, qui offre à son parti une nouvelle occasion, après la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre, de poursuivre sa stratégie de normalisation. D’autant que l’absence d’Éric Ciotti le laissera en première ligne sur la question du référendum sur l’immigration. Une situation idéale. Dans ce contexte, la question du maintien, vendredi, ou de la poursuite des rencontres de Saint-Denis lors des prochains mois peut se poser. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a estimé mercredi, à l’issue du conseil des ministres, que celles-ci ont encore "évidemment tout leur sens". Les échanges "permettront d'avancer parce que nous avons besoin de cette unité nationale pour transformer notre pays", a-t-il ajouté, tout en précisant au sujet des absents qu’il n’est "jamais trop tard pour changer d’avis" et que "la porte reste ouverte".

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