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Insolite et Faits divers

"Les Noëls, les anniversaires sont trop difficiles pour nous" : au procès du 13-Novembre, le chagrin infini d'une mère endeuillée à la barre

L'audience de jeudi s'est achevée sur le témoignage bouleversant de la mère et du frère de Romain Feuillade, tué à la Belle équipe à l'age de 31 ans.  L'émotion était restée contenue toute la journée. Au troisième jour d'audition des parties civiles au procès du 13-Novembre, jeudi 30 septembre, l'horreur a pourtant surgi de nouveau à la barre. Les tirs en rafale, le silence qui a suivi, le sang et les chairs blessées, la vie qui ne tient qu'à un fil et parfois à une seule décision, celle de s'asseoir à l'intérieur ou à l'extérieur du Petit Cambodge, du Carillon, de la Bonne bière ou de La Belle équipe. Mais les larmes sont restées logées au creux de la gorge. Jusqu'à cet avant-dernier témoignage. Alors que la cour d'assises spéciale de Paris entend depuis plusieurs heures rescapés et proches endeuillés des attentats des terrasses, une petite femme frêle à lunettes, courts cheveux gris, s'avance à la barre, des feuilles à la main. C'est un flot de chagrin qui emporte la cour. Cette femme, c'est la mère de Romain Feuillade, tué à l'âge de 31 ans à La Belle équipe. "Une plaie qui ne cicatrisera jamais" Pour ne pas chavirer, elle s'accroche aux mots qu'elle a écrits : "J’ai voulu témoigner pour la mémoire de Romain et pour parler de la personne qu’il était, dont le destin a été brisé par les terroristes." Monté à Paris pour devenir comédien, ce Savoyard était surnommé "l'artiste" et "titi". A défaut de planches de théâtre, il tenait un restaurant avec Baptiste, un associé de La Belle équipe. Sa mère parle de son dernier SMS, le 12 novembre : "Je vous appelle lundi au téléphone". "Il n’a jamais appelé." La peluche, un nounours, est posée à côté d'elle. Elle l'avait prise pour aller à Paris reconnaître son fils à l'Institut médico-légal. Elle voulait qu'elle l'accompagne dans sa "dernière demeure". Elle l'a finalement gardée. "Cela fait six ans, il me manque de plus de plus, j’ai besoin d’aller dans sa chambre et cette peluche maintenant, elle est à côté de la photo de Romain." Elle parle de cette "plaie qui ne cicatrisera jamais", pour elle et son mari. "Maintenant, les Noëls, les anniversaires sont trop difficiles pour nous, ce ne sont pas des fêtes. Son papa ne peut pas l’accepter, il vit dans une bulle, il n’est pas venu à ce procès." Secouée de sanglots, elle demande la permission de lire une lettre que leur a écrite Romain en 2009 pour Noël. A l'époque, il a 25 ans. "Maman, papa, pour ce Noël, j’ai beaucoup réfléchi au cadeau que je pouvais vous faire en ces temps de crise, lit-elle. Il est temps de vous offrir un cadeau qui porte tout l’amour que j’ai pour vous." Ce cadeau, ce sont les mots d'un fils empli de gratitude. La voix de Romain résonne dans la salle d'audience à travers celle de sa mère : "Merci pour l’éducation que j’ai reçue, je suis quelqu’un qui passe partout, c’est surtout grâce à vous." "Battre les flots sans sombrer" On image l'émotion de ses parents en parcourant, à ce moment-là, cette lettre d'amour. Des "parents toujours présents dans les moments difficiles, une fuite d’eau, un déménagement, une peine de coeur". "J’ai énormément de chance, poursuit-il. Je n’ai pas envie de conclure cette lettre car notre histoire continue, je veux que vous sachiez tout l’amour que je vous porte. C'est mon cadeau de Noël, maman, papa, je vous aime de tout mon coeur", signé "l’artiste Romain". L'"histoire" s'est arrêtée le 13 novembre 2015, leur vie avec.  Tout aussi bouleversé, le grand-frère de Romain s'avance à son tour à la barre. Lui aussi lutte pour ne pas être submergé de douleur et continuer l'histoire malgré tout. Il s’est tatoué la devise de Paris, "Fluctuat Nec Mergitur" et les coordonnées de La Belle équipe sur la jambe : "Même si la vie de Romain a été stoppée, il continuera à avancer avec moi et on continuera à battre les flots sans sombrer. Et ça personne ne pourra nous l’enlever." 

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