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Législatives 2022 : des bulletins de votes qui valent de l'or

Décryptage Dans le village de Nauvay (Sarthe), le maire procède au dépouillement des bulletins de vote lors du second tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2022. En France, les élections législatives représentent la principale source de financement public des partis. Un enjeu considérable à la veille d'un scrutin aux multiples inconnues et en pleine recomposition du paysage politique. Après l'élection présidentielle, tous les yeux sont rivés sur les prochaines législatives du mois de juin. L'objectif est de peser sur les décisions du futur gouvernement en constituant un groupe puissant à l'Assemblée nationale. Mais au-delà de cet enjeu politique, l'intérêt est aussi économique pour les partis. En plus des cotisations de leurs adhérents et des dons de personnes privées, les partis touchent des subventions de la part de l'État, même s'ils ne parviennent pas à faire élire leurs candidats : il leur suffit d'engranger 1 % des voix dans au moins 50 circonscriptions pour toucher 1,42 euro par voix et par an. Une aubaine pour les petits mouvements politique en quête de financement.  "Cela pousse les partis à présenter le plus de candidats possible", détaille Paul Bacot, professeur émérite à Sciences Po Lyon, joint par France 24. "Sauf que faire campagne coûte de l'argent et si le score est insuffisant, il n'y a pas de remboursement. Les partis ont donc de savants calculs à faire pour savoir s'ils ont intérêt à présenter un candidat là où ils ne sont pas certains de faire un score correct", précise le politologue. Cependant, pour pouvoir espérer toucher l'ensemble de ces subventions, il y a des règles à respecter. La première est d'enregistrer son mouvement auprès du ministère de l'Intérieur. Il est également impératif de déposer ses comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Enfin, la parité est fortement encouragée, puisque les mauvais élèves voient leurs aides financières réduites en cas de déséquilibre entre le nombre de candidats et de candidates. Moins un parti présente de femmes, plus l'État réduit ses subventions.    Le vainqueur rafle la mise Mais le véritable jackpot est décroché par les formations qui réussissent à envoyer des députés à l'Assemblée. Cette fois, les partis touchent 37 280 euros par élu et par an, versés pendant cinq ans, soit toute la durée du mandat. En envoyant 27 députés dans l'Hémicycle, une formation politique pourra donc compter sur un pactole de 1 million d'euros chaque année.  Et comme les législatives ont tendance à confirmer les résultats de l'élection présidentielle, la formation politique derrière le nouveau chef de l'État a toutes les chances de rafler la mise. En 2017, La République en marche (LREM), avec ses 6 millions de voix et ses 333 parlementaires, a ainsi reçu plus de 20 millions d'euros. À l'inverse, le scrutin est sans pitié pour les perdants. Le Parti socialiste, anciennement majoritaire à l'Assemblée nationale, avait vu sa manne financière fondre comme neige au soleil. Au lendemain de cette déconvenue électorale, le parti à la rose s'était vu contraint de mettre en vente son siège historique, rue Solférino à Paris. "Tout se joue sur une élection et ça me choque. Il faut un système plus vertueux, moins brutal", assure le trésorier des Républicains, Daniel Fasquelle, et tout nouveau soutien d'Emmanuel Macron, interrogé par le journal Le Figaro. "C'est vrai qu'il y a une prime au vainqueur. C'est compréhensible, mais on pourrait aussi imaginer un système qui prenne également en compte les résultats des régionales, des européennes et des départementales. Cela permettrait une mise à jour plus régulière et pas uniquement tous les cinq ans", estime Paul Bacot.  Des alliances, mais à quel prix ? Pour ces prochaines législatives, certains partis joueront plus gros que d'autres. Formation la plus endettée de France avec une ardoise de près de 23,8 millions d'euros fin 2020, le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen qui a déclaré lors du débat de l'entre-deux-tours être "à la tête d'un parti pauvre", doit impérativement renflouer ses caisses. Objectif : réunir au moins 15 élus, nécessaires à la constitution d'un groupe parlementaire pour gagner en visibilité au Palais Bourbon. Actuellement, le RN compte 8 députés sur 577. Autres formations sur la sellette : celles n'ayant pas obtenu 5 % des voix au premier tour de la présidentielle, synonyme de remboursement des frais de campagne par l'État. Pour le parti socialiste (PS), dont les caisses sont vides, et pour les Républicains (LR) dans le rouge depuis la défaite cuisante de Valérie Pécresse, ces prochaines législatives s'annoncent déterminantes et la question financière devrait peser sur les stratégies électorales et les alliances.  Au cœur des tractations qui se jouent en coulisses : les investitures. Ce processus permet à plusieurs partis de désigner un candidat unique pour les représenter dans une circonscription et éviter un éparpillement des voix. Cependant, si ce dernier est élu, il ne pourra déclarer qu'un seul parti de rattachement éligible aux subventions de l'État. Les états-majors des partis "espèrent ainsi que ce qu'ils perdent dans une circonscription au profit d'un allié, ils puissent le gagner ailleurs", résume Paul Bacot.  Cinq années de vaches maigres Avec 17 députés, mais forte des 22 % de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle, la France insoumise (LFI) compte bien imposer aux socialistes ses conditions dans le cadre d'un accord national sur le programme et les investitures. Le PS et ses 25 députés tentera, lui, de faire valoir un ancrage local qui fait défaut à LFI dans ces négociations sur une union de la gauche qui doivent débuter mercredi. "Cette première rencontre portera sur les questions de fond et s'il y a un accord, ensuite on pourra discuter des questions d'investitures", affirme auprès de France 24 Corinne Narassiguin, la numéro 2 du PS, qui reconnaît une équation difficile à résoudre entre toutes les forces de gauche. "Quand le PS était en position de force dans ces négociations, on considérait que les partis avec lesquels on s'alliait avaient aussi besoin du financement public pour leur fonctionnement. Ne pas asphyxier financièrement ses partenaires doit faire partie d'un accord politique", prévient l'ancienne députée. "Il va falloir être intelligent si l'on veut un maximum de députés de gauche à l'Assemblée nationale. Dans chaque parti, nous avons des spécialistes de la carte électorale pour savoir à quels endroits il est préférable d'avoir un socialiste, un communiste, un vert ou un insoumis", ajoute la secrétaire nationale du PS à la coordination et aux moyens.  >> À voir : C'EST EN FRANCE - Second mandat, dernière chance : radiographie d'une France fracturée De leur côté, les Républicains (LR) ont tranché mardi lors d'un comité stratégique pour "une indépendance totale" de LR aux législatives. "Il n'y a pas de double appartenance et il n'y en aura jamais", a assuré le président du parti Christian Jacob, en réponse aux élus LR qui seraient tentés par des accords locaux avec LREM. Le réalisme électoral pourrait toutefois avoir raison de ces consignes nationales et plusieurs députés seraient sur le départ selon Libération. "Indépendance totale" pour LR ou "Union de la gauche" ou populaire [selon les termes de la proposition de Jean-Luc Mélenchon] pour le PS , quelle que soit la stratégie choisie, les experts interrogés par France 24 prédisent aux deux anciens partis de gouvernement des résultats médiocres aux législatives avec, à la clé, cinq années de vaches maigres. "Il leur reste tout de même des ressources et un patrimoine", nuance Paul Bacot. "Même si, conclut-il, on ne peut pas vivre éternellement en vendant les bijoux de famille."

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