Le pass sanitaire, un outil controversé pour sortir de la crise du Covid-19
Alors que le Sénat français entame mardi l’examen du projet de loi sur la sortie de crise sanitaire, l’instauration du pass sanitaire, qui doit donner accès aux événements de plus de 1 000 personnes et permettre la libre circulation au sein de l’UE, suscite des interrogations.
Après avoir été approuvé la semaine dernière par l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire arrive, mardi 18 mai, au Sénat. Ce texte, qui prévoit une période de transition avant la levée de l’état d’urgence sanitaire fin septembre, inclut la mise en place d’un pass sanitaire. Sésame nécessaire pour accéder à certains événements à partir du 9 juin, il devrait également permettre la levée des restrictions pour les voyages au sein de l’UE. Cette mesure, censée accélérer le retour à la vie normale tout en limitant les risques de contamination, suscite pourtant de vifs débats au sein de la classe politique. Explications.
Le pass sanitaire, c’est quoi ?
Avec l’amélioration de la situation sanitaire en France et la progression de la vaccination contre le Covid-19, le gouvernement souhaite relancer l’activité économique au plus vite tout en évitant une reprise épidémique. Outre la prolongation d’un couvre-feu jusqu’à fin juin, l’exécutif mise sur l’instauration d’un pass sanitaire. Pour accéder à certains lieux et événements rassemblant "un nombre important de personnes", il faudra présenter la preuve d’un test négatif RT-PCR ou antigénique de moins de 48 heures, un certificat de rétablissement du Covid-19 ou bien un certificat de vaccination. Ce document pourra être stocké dans l’application TousAntiCovid, ou bien présenté sous format papier.
La mesure, qui devrait entrer en vigueur le 9 juin, ne concerne pas les "activités de la vie quotidienne (restaurant, commerces, services publics)", précise le texte. Le pass sanitaire sera en revanche requis pour les événements rassemblant plus de 1 000 personnes, couverts ou en plein air, tels que des salons et foires d’exposition, des festivals et compétitions sportives, ou bien encore certaines croisières.
Une version européenne dans les tuyaux
Si le gouvernement prévoit une utilisation spécifique du pass sanitaire en France, son fonctionnement est le même que le certificat vert numérique (Digital Green Pass) proposé par la Commission européenne. Actuellement à l’étude, ce "pass européen" a pour but de faciliter la libre circulation des citoyens de l’UE ainsi que des ressortissants étrangers présents sur le territoire. Ce certificat vise à harmoniser les règles d’entrée et de sortie entre pays du bloc, jusqu’ici laissées à la libre appréciation de chaque État.
Ainsi, les personnes pouvant justifier d’une preuve de vaccination (vaccin autorisé dans l’UE), d’un test de moins de 72 heures ou d’un certificat de rétablissement pourraient circuler au sein de l’UE sans avoir à se soumettre à des quarantaines ou tests supplémentaires. Si aucune date officielle n’a été annoncée pour le lancement de ce certificat vert numérique, le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Clément Beaune, a indiqué, dimanche, qu’il devrait être mis en place fin juin.
Vifs débats
En France, l’utilisation prévue du pass sanitaire pour les grands événements suscite de vifs débats au sein de la classe politique. Car si le gouvernement affirme qu’il ne concernera que les rassemblements de plus de 1 000 personnes, ce seuil n’a pas été inscrit dans le texte "afin de préserver une certaine souplesse et une faculté d’adaptation dans sa mise en œuvre". Lors des débats à l’Assemblée nationale, certains députés de l’opposition ont dénoncé un texte flou qui pourrait conduire à des dérives. Dans son avis rendu le 12 mai, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a appelé à interdire, "de manière explicite", le recours au pass par les responsables des lieux qui ne sont pas concernés par le dispositif.
À l’échelle européenne, le certificat vert, présenté comme un outil indispensable pour relancer le tourisme, ne fait pas non plus l’unanimité depuis sa présentation par la Commission européenne mi-mars. Interrogé sur France 24, l'Allemand Patrick Breyer, député européen, jugeait alors les garanties insuffisantes en matière de protection des données : "Il n’y a pas de garantie que le certificat soit stocké sur l’appareil de la personne et non dans un registre de vaccination central." Si les informations "ne peuvent pas être conservées par les pays visités", souligne la Commission Européenne, les données sanitaires "restent du ressort de l’État membre qui a délivré un certificat vert numérique".
Autre sujet sensible, le caractère potentiellement discriminatoire de la mesure : si la vaccination avance à grands pas dans la plupart des pays européens, de grosses disparités persistent. Alors qu’en Allemagne, plus de 36 % de la population a reçu au moins une première dose de vaccin, ce taux n’est que de 10 % en Bulgarie. À cela s’ajoute la disparité d’accès aux tests, dont les prix varient grandement en fonction des États. Autant de facteurs qui pourraient accentuer les inégalités de déplacements au sein de l’Union européenne.