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Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie réprimée dans le sang à Charonne

Des manifestants blessés par la police, lors de la répression de la marche organisée contre l'OAS, le 8 février 1962. Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie, à Paris, se soldait par neuf morts au métro Charonne. Ce drame, qui s'est déroulé peu avant la fin de la guerre, est devenu un symbole sanglant de la répression d'État.  C'était il y a soixante ans. Le 8 février 1962, une manifestation organisée à l’appel du Parti communiste français, des syndicats et d’autres mouvements de gauche pour l'indépendance de l'Algérie était réprimée avec une violence inouïe au métro Charonne, à Paris. Bilan : neuf morts et plus de 250 blessés.  Depuis quelques mois, l'OAS (Organisation armée secrète) créée en 1961 pour maintenir l'Algérie française, multiplie les attentats, y compris en métropole. Le 7 février 1962, c'est le domicile du ministre des Affaires culturelles, André Malraux, qui est visé. L'attentat défigure une fillette de 4 ans : Delphine Renard. L'émotion est telle que les citoyens sont appelés à se rassembler pacifiquement dès le lendemain, place de la Bastille, à Paris. Par crainte de nouveaux débordements dans une Francesous état d'urgence depuis avril 1961, le ministre de l'Intérieur, Roger Frey, interdit la manifestation. "Du côté du gouvernement, il y a une espèce de peur panique, le Premier ministre Michel Debré et Roger Frey, le ministre de l'Intérieur, n'ont plus qu'une crainte, c'est celle de la subversion de l'OAS, qui suscite beaucoup de sympathie dans l'armée et dans la gendarmerie. On s'accroche à l'idée que la police reste finalement le dernier obstacle, analyse pour l'AFP Jean-Marc Berlière, historien de la police. Le pouvoir laisse donc la bride sur le cou à la police parisienne et lui donne la responsabilité de régler le problème dans la rue, en semblant promettre une forme d'impunité, exactement comme ce qu'il s'est passé le 17 octobre 1961, quatre mois plus tôt (quand une manifestation pacifique d'Algériens à Paris a été réprimée dans le sang, des dizaines de morts selon les historiens, NDLR). >> 17 octobre 1961, un massacre d'Algériens au coeur de Paris  Le 8 février, le président Charles "de Gaulle ne veut pas que l'indépendance soit arrachée par la rue, qu'elle soit algérienne ou celle du mouvement ouvrier. Maurice Papon, préfet de combat, doit tenir la rue", explique Emmanuel Blanchard, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Versailles-Saint-Quentin. Le Préfet de police de Paris, Maurice Papon, qui s'est illustré par la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961, déploie d'importants effectifs de police pour empêcher ce rassemblement "contre le fascisme". Les heurts éclatent avec les forces de l'ordre. "La police avec casques et matraques a chargé" Boulevard Voltaire, des manifestants cherchant à fuir une charge policière s'engouffrent dans le métro Charonne. C'est la bousculade. Des policiers poursuivent les manifestants pour les frapper, d'autres jettent, vers ceux qui tentent de ressortir, les lourdes grilles qui entourent les arbres. Des personnes bloquées par les portillons d'accès aux quais sont étouffées sous la pression. D'autres meurent le crâne fracassé sous les coups. Huit personnes, dont trois femmes et un apprenti de 15 ans, trouvent la mort ce jour là. Une autre victime succombera à ses blessures huit semaines plus tard. Tous sont syndiqués à la CGT et membres du PC, à l'exception d'une.  "La précipitation dans le métro, les portillons fermés, puis le grand trou noir", se souvenait, en 2002, Jacqueline Guichard, alors jeune employée des chèques postaux, adhérente à la CGT et au PC. "Nous sommes parties à 7 ou 8  copines", a-t-elle raconté. Parmi elles, Anne-Claude Godeau, 24 ans, qui n'en reviendra pas. "On défilait depuis un moment, la nuit tombait, on criait 'Paix en Algérie'. C'était revendicatif, mais sans plus. À Charonne, la tête de la manif nous a donné l'ordre de nous disperser. Et puis, ça a commencé", poursuit Jacqueline Guichard. "Subitement, la police avec casques et matraques a chargé" et la foule s'est engouffrée dans le métro : "Pourquoi on est entrés dans ce métro ? Je ne saurai jamais. Pourquoi Anne-Claude a pris des coups ? Pourquoi pas moi ? Je ne le saurai pas non plus." Comme pour le 17 octobre 1961, cette répression sera occultée.  "Michel Debré a félicité le préfet de police, Maurice Papon - et donc en quelque sorte les policiers -, quelques jours plus tard pour sa fermeté et, en 1966, une loi a amnistié tous les faits en rapport avec la guerre d'Algérie", poursuit Jean-Marc Berlière. Les policiers de cette brigade ont été, pour la plupart, mutés à des postes plus attrayants. Ils n'ont pas été décorés, mais c'était quand même une espèce de gratification symbolique. Pour l'historien Pierre Vidal-Naquet, disparu en 2006, "c'est le comble de l'absurde. On a du mal à comprendre cette violence de la police alors que le gouvernement est en pleine négociation avec les représentants algériens pour un accord de paix signé un mois plus tard. Et pourtant ce fut une répression d'État", déclarait-il, 40 ans après la tragédie. "Sans doute de Gaulle voulait-il montrer que son autorité était intacte". Le 13 février, les obsèques des victimes de ce "massacre d'État", selon l'historien Alain Dewerpe, rassemblent 100 000 à 200 000 personnes. “Une des plus grandes de l’histoire de France”, rappelait Fabrice Riceputi lors d'une interview accordée à France 24 sur le 17 octobre 1961. “C'est l’acte fondateur de la mémoire de Charonne. Il va être relayé sans arrêt”, précisait l'historien pour expliquer l'occultation de ce massacre à Paris. En 1966, une loi a amnistié tous les faits en rapport avec la guerre d'Algérie. Des survivants de la répression ont intenté des actions en justice, mais les enquêtes judiciaire et administrative n'ont mené nulle part. Avec AFP 

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