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Insolite et Faits divers

Laurent Nuñez : "Il n'y a pas un acteur des services de renseignement qui n'ait le 13-Novembre en tête"

Le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme assure que les services de renseignement français ont connu "une montée en puissance depuis 2015". Il ajoute que la coopération entre États membres de l'Union européenne s'est intensifiée.  Un attentat est "toujours un échec" dont il faut "tirer des enseignements", souligne Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, mardi 7 septembre sur franceinfo, à la veille du début duprocès du 13 Novembre 2015 à Paris. Laurent Nuñez précise que le "décloisonnement" et la "meilleure coopération" entre services ont "permis de déjouer plus de 60 attentats depuis fin 2013". franceinfo : Est-ce que les attentats du 13-Novembre ont poussé la sphère du renseignement à évoluer ? Laurent Nuñez : Il n'y a pas un agent des services de renseignement français qui ne s'engage en ayant en tête ce qui s'est passé et qui ne s'engage pas dans son travail, dans sa détermination à détecter des auteurs d'attentats, à échanger de l'information, à capter cette information. Il n'y a pas un acteur des services de renseignement français qui n'a pas en tête ce qui s'est passé le 13 novembre 2015. Nous sommes tous motivés par rapport à cela. Nous le devons aux victimes. Nous le devons à la protection de nos concitoyens. Pour les membres des services de renseignements, un attentat est évidemment toujours un échec. Mais il faut en tirer les enseignements à caractère opérationnel, c'est-à-dire renforcer l'action des services, renforcer les coopérations, donner aux services de renseignement des moyens juridiques, des moyens humains, des moyens budgétaires pour être en capacité d'être toujours meilleur. Et c'est ce qui a été fait. C'est ce que nous faisons et nous continuons cette action de manière extrêmement résolue et en tant que porte-parole de l'ensemble des services de renseignement français, je peux vous confirmer leur détermination, sous l'autorité du président de la République, à déjouer les attentats comme ils le font très régulièrement. Ces attaques, que l'on appelle dans le jargon du renseignement les "V13", sont d'une ampleur exceptionnelle. On est dans la menace exogène, c'est-à-dire la projection de groupes de terroristessur le territoire national. Des groupes formés de manière opérationnelle en Syrie et en Irak et projetés par la structure des opérations extérieures de l'État islamique. Les menaces projetées nous semblent moins probables, mais ça demeure une préoccupation majeure. Les terroristes qui ont participé aux attaques ont utilisé les flux migratoires. Est-ce toujours un talon d'Achille du renseignement ? Ce n'est pas un talon d'Achille, c'est une préoccupation majeure. Évidemment que la pénétration sur le territoire national peut, d'une manière générale, se faire de différents modes et notamment en utilisant le flux des réfugiés. Mais ce qui a complètement changé après 2015, c'est d'abord la coopération entre les grands services de renseignement au niveau international. Cela veut dire un échange d'informations permanent entre tous les services, de tous les États. Elle existait, mais elle a été amplifiée, elle a été renforcée. Cette coopération fonctionne-t-elle ? Pour qu'une coopération fonctionne entre services de renseignement, il y a deux piliers. D'abord, il faut qu'il y ait des échanges d'informations en confiance et en transparence. Quand un État, quel qu'il soit, détecte une menace terroriste, il doit informer l'État qui est susceptible d'en être victime ou d'autres États qui peuvent être concernés par les terroristes qui ont été détectés ou par l'action qui a été projetée. Depuis les attentats de 2015, cette coopération a atteint un niveau inégalé et entre tous les services. Puis, une deuxième condition, extrêmement importante : avoir les outils juridiques qui permettent d'échanger cette information. Évidemment depuis 2015, ces outils ont été développés et ont été renforcés au plan juridique. Je pense notamment au système d'information Schengen, le fameux PNR, "Passenger Name Record", qui permet de suivre le déplacement des passagers pour les vols aériens. Il sera étendu à d'autres types de transports.  Évoquons par exemple l'interpellation ratée d'Abdelhamid Abaaoud à Athènes en Grèce. Aujourd’hui cela n’arriverait plus ? En matière de menace terroriste, il n'y a pas de risque zéro. Ceux qui disent le contraire sont des imposteurs sur les questions de sécurité. En revanche, on tend à améliorer l'action des services de renseignement par un meilleur échange d'informations. Je vous confirme que l'échange d'informations entre les services de renseignement des différents États n'a cessé de s'améliorer depuis 2015.  L'Union n'a pas de compétence en matière de lutte antiterroriste, mais ça n'empêche pas les services de renseignement de coopérer. Il existe des systèmes, des dispositifs de coopération multilatéraux qui ont été renforcés depuis 2015 et qui font que ces informations non seulement sont partagées entre l'État qui est susceptible d'être victime d'une action terroriste, mais sont partagées avec l'ensemble des services de renseignement, intérieurs comme extérieurs. Cela permet évidemment de prévenir des attaques. Les terroristes de 2015 ont bénéficié d'une logistique assez importante, et notamment d'un certain nombre de réseaux qui avaient été mis en place. Le procès se penchera sur ces réseaux. Je rappelle que ces terroristes ont été projetés depuis la Syrie, l'Irak où ils ont été entraînés, et ils ont parfois bénéficié de soutien logistique notamment en Belgique ou sur le territoire national où ils sont arrivés la veille des attaques. Lors de ce procès, des membres des renseignements vont être appelés à témoigner de leur action. Est-ce que chaque attentat nourrit toujours la réflexion sur la façon de changer la riposte ou la défense des services de renseignement ? Chaque attentat permet d'améliorer nos dispositifs. C'est pour cela que le président de la République a d'ailleurs souhaité qu'on institutionnalise les retours d'expérience sur les attentats. Dès le mois de juin 2017, le président de la République a souhaité renforcer la coordination entre tous les services. Il a nommé de nouveaux chefs de services de renseignement avec un nouveau DGSE [direction générale de la sécurité extérieure], un nouveau DGSI [directeur générale de la sécurité intérieure], un nouveau coordonnateur du renseignement.  On a considéré qu'il fallait décloisonner l'action des services de renseignement en matière de lutte antiterroriste et que toutes les informations utiles devaient être partagées. C'est le premier point. Dès l'automne 2017, on a unenouvelle loi antiterroristequi nous permet de sortir de l'état d'urgence et, dans le cadre des procédures de droit commun, d'avoir des mesures qui permettent de lutter efficacement contre le terrorisme, notamment les visites domiciliaires, les mesures administratives de contrôle et de surveillance (MICAS), l’équivalent des "anciennes assignations à résidence" qui ont été renouvelées dans le cadre d'une loi votée cet été au Parlement. Dès 2017, on oriente la politique de lutte antiterroriste de manière extrêmement résolue et déterminée sur un décloisonnement des services, une meilleure coopération. C'est ce qui a permis de déjouer plus de 60 attentats depuis la fin 2013. 

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