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La guerre en Ukraine thème principal des européennes, une stratégie risquée pour Emmanuel Macron

QUITTE OU DOUBLE Emmanuel Macron, qui sera jeudi soir au 20 h de TF1 et France 2, a choisi de faire de la question ukrainienne le thème majeur de la campagne de son parti pour les élections européennes. Une stratégie qui permet d’attaquer le Rassemblement national – en tête dans les sondages – sur sa proximité avec la Russie, mais qui pourrait s’avérer contre-productive. L’Ukraine au cœur d’une campagne électorale française, le retour. Après avoir évoqué le 26 février la possibilité d’envoyer des troupes en Ukraine et affirmé le 7 mars qu'il n'y avait "aucune limite" ni "ligne rouge" au soutien de la France à l'Ukraine, Emmanuel Macron s’invite, jeudi 14 mars, au 20 h de TF1 et France 2 pour évoquer une nouvelle fois le conflit qui se joue aux portes de l’Union européenne. L’occasion pour le chef de l’État de prendre de la hauteur, comme il y a deux ans lorsque, en pleine campagne présidentielle, la Russie décidait d’envahir l’Ukraine. Cette intervention télévisée en "prime time" permettra aussi d’insister sur l’enjeu existentiel pour l’Europe que représente cette guerre, selon Emmanuel Macron. "Nous avons la conviction que la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et la stabilité en Europe", avait-il ainsi affirmé fin février. Un refrain qui semble être devenu l’unique axe de campagne de la majorité présidentielle pour les élections européennes qui se tiendront le 9 juin en France. Si bien que l’opposition, de la gauche à l’extrême droite, accuse désormais le chef de l’État d’instrumentaliser la guerre à des fins politiques. L’organisation d’un débat et d’un vote symbolique à l’Assemblée nationale et au Sénat sur l'accord de sécurité entre Paris et Kiev quasiment un mois après sa signature le 16 février était notamment pointé du doigt. "Il est clair que l’exécutif insiste beaucoup sur la guerre en Ukraine, avec des références au passé. Mais en politique, sincérité et stratégie sont toujours étroitement liées. Il y a chez Emmanuel Macron un engagement européen sincère et constant, une vraie volonté de soutenir l’Ukraine, et en même temps, il a en tête des considérations politiques", analyse le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof. Des références à la Seconde Guerre mondiale omniprésentes Les comparaisons avec la Seconde Guerre mondiale ont fait leur apparition lors du meeting de lancement de la campagne des européennes de Renaissance, samedi à Lille. À l’image de l’Allemagne nazie qui menaçait le reste de l’Europe à la fin des années 1930, la Russie est présentée comme un danger qu’il faut stopper et non traiter avec naïveté ou, pire, complaisance. "Hier, Daladier et Chamberlain, aujourd'hui, Le Pen et Orban. Nous sommes à Munich en 1938, il est minuit moins une", a ainsi affirmé samedi après-midi la tête de liste Renaissance, Valérie Hayer, tandis que l’ancien Premier ministre Édouard Philippe citait Winston Churchill pour critiquer ceux qui nourrissent un "crocodile" en espérant être les derniers "à être mangés". "Nous sommes à un moment de bascule dans ce conflit", a pour sa part insisté l’actuel Premier ministre Gabriel Attal, mardi 12 mars lors du débat à l’Assemblée nationale, sur le soutien de la France à l’Ukraine. "La Russie est une menace, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi directement pour nous, pour l’Europe, pour la France, pour le peuple français", a-t-il répété, avant de regretter "les mots légers de ceux qui ne veulent pas voir leurs responsabilités et croient que les choses rentreront dans l’ordre toutes seules, sans effort", et "les mots coupables de ceux qu’aveuglent des affinités anciennes avec une Russie agressive et régressive". Un discours qui vise clairement le Rassemblement national (RN) et, dans une moindre mesure, La France insoumise (LFI). Le but étant de rappeler les liens du RN avec Vladimir Poutine – Marine Le Pen avait obtenu un prêt pour sa campagne présidentielle de 2017 de la part d’une banque russe proche du Kremlin – alors que la liste portée par Jordan Bardella pour les européennes caracole en tête des intentions de vote. Environ 31 % des Français annoncent vouloir voter pour le RN contre 18 % pour la liste du camp présidentiel, selon un sondage mené auprès de 12 000 personnes par Ipsos, le Cevipof, l'Institut Montaigne et la Fondation Jean-Jaurès, et publié lundi dans Le Monde. "Emmanuel Macron reste fidèle à sa ligne stratégique qui consiste depuis 2017 à cibler le Rassemblement national. Mais cette communication de guerre, cette utilisation très appuyée du fait qu’on serait revenu en 1938 est à la fois stupéfiante et génératrice de beaucoup d’anxiété pour les Français. Dans un pays où il y a déjà de l’angoisse sur l’avenir, de la défiance vis-à-vis de la politique et un manque de confiance important, est-ce que tout ceci n’aura pas l’effet inverse, à savoir renforcer le RN plutôt que de le diminuer ?", s’interroge Bruno Cautrès. "Le match se joue d’abord et avant tout contre la liste Glucksmann" D’autant que l’électorat du Rassemblement national est d’abord motivé par son rejet d’Emmanuel Macron et de sa politique. Il ne risque donc pas de changer d’avis en raison de l’abstention à l’Assemblée nationale des troupes de Marine Le Pen sur l’aide à Ukraine pour soudainement voter en faveur de la liste Renaissance-MoDem-Horizons. L’exécutif en a tout à fait conscience. Son objectif n’est donc pas de faire baisser les intentions de vote pour Jordan Bardella, mais de faire augmenter celles pour sa tête de liste Valérie Hayer en essayant de convaincre l’électorat de centre-gauche tenté par la liste Parti socialiste-Place publique de Raphaël Glucksmann. Ce dernier a placé la question ukrainienne au cœur de sa campagne pour les européennes et a répété que la France et l’Europe devaient passer "en économie de guerre" pour vaincre la Russie. Emmanuel Macron a donc choisi d’adopter lui aussi un ton martial, quitte à être qualifié par l’opposition de "va-t-en-guerre". "Le match se joue d’abord et avant tout contre la liste Glucksmann. L’exécutif sait que l’avance de la liste Bardella est trop importante pour être rattrapée et commence donc à regarder derrière. Or, dans un scrutin où il y a souvent des changements dans les dernières semaines et des surprises, la majorité commence à frémir à l’idée d’un scénario où elle ne finirait pas deuxième, mais troisième", souligne Bruno Cautrès. Car à côté du peu d’entrain que semble susciter jusqu'ici la liste de Valérie Hayer, les sondages montrent en parallèle une progression de la liste socialiste. Alors que celle-ci n’avait obtenu que 6,19 % des voix en 2019, elle recueille 11,5 % des intentions de vote dans le dernier sondage Ipsos publié lundi dans Le Monde.

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