Incendies, sécheresse, canicule... Mais où est donc passé Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique ?
La France est en train de vivre les conséquences directes du dérèglement climatique. Dans ce contexte, la faible visibilité du ministre en charge de ces sujets, Christophe Béchu, interroge.
"Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas !" Cette promesse, c'était celle d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Pour incarner le volontarisme du gouvernement en matière climatique, l'exécutif a nommé Christophe Béchu au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. L'ancien maire d'Angers, proche d'Edouard Philippe, dispose de pas moins de cinq secrétaires d'Etat. Mais, depuis son entrée au gouvernement le 4 juillet, le ministre est resté relativement silencieux alors que la France expérimente de plein fouet le dérèglement climatique.
Lundi 18 juillet, 63 communes ont battu leur record absolu de température tandis que des incendies qualifiés d'historiques repartaient de plus belle en Gironde. Plus de 20 000 hectares de forêt ont brûlé dans le département en une semaine et quelque 36 000 personnes ont dues être évacuées. Face à cette situation Christophe Béchu s'est fendu de quelques tweets sur les incendies, s'est rendu à Angers pour rencontrer les personnes à risque face à la canicule ou a suivi de près l'évacuation du zoo du bassin d'Arcachon.
Le ministre a également rencontré les associations d'élus et évoqué, mardi 19 juillet lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, un "plan d'adaptation au changement climatique à compter de 2023, qui sera soumis et présenté à l'ensemble des parlementaires". Mais il ne s'est pas rendu sur le terrain et n'a pas donné non plus d'interview sur le sujet dans les médias.
"Ah non, il n'est pas sur le front"
Une discrétion qui donne du grain à moudre aux oppositions. "Il semble faire preuve d'une grande sobriété énergétique sur le sujet", ironise ainsi Alexis Corbière, député LFI, qui file la métaphore : "Il semble même pratiquer la décroissance." L'élu de Seine-Saint-Denis est rejoint par un autre député de son groupe, Gabriel Amard, qui évoque sur Twitter un ministre "aux abonnés absents". "Il n'est pas sur le front. Je n'ai pas eu vent d'une mobilisation particulière de sa part", critique également Julien Bayou, le patron d'Europe Ecologie-Les Verts.
Certaines associations s'inquiètent aussi de ce mutisme. "Effectivement, on ne le voit et on ne l'entend pas beaucoup", juge Anne Bringault, coordinatrice des programmes du Réseau Action Climat. Même au sein de la majorité, on commence à se poser quelques questions. "Il ne va pas pouvoir rester sur sa réserve très longtemps. Il va falloir qu'il prenne la mesure de son poste, il n'y a pas de raison qu'il ne le fasse pas", tente de se rassurer un député MoDem. "Je pense que l'on voit beaucoup Darmanin, car il y a un axe pompiers et sécurité [au sujet de la lutte contre les incendies], mais il manque le pendant prévention qui doit être porté par Christophe Béchu. Il faudrait plus de présence sur le sujet. Espérons que cela évolue rapidement", remarque un député Renaissance.
"Il n'a pas intérêt à être en première ligne"
Effectivement, c'est le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a pris le leadership au sein du gouvernement sur les incendies en Gironde, communiquant beaucoup sur ces feux historiques et se rendant sur place. Preuve de la gravité de la situation : Emmanuel Macron se rend d'ailleurs lui-même dans le département mercredi. Pour beaucoup, la prépondérance du locataire de Beauvau est tout à fait normale. "Le ministre en charge, c'est Gérald Darmanin. On est dans l'urgence, pas dans la planification écologique", estime un député Renaissance. Même dans l'opposition, cet avis est en partie partagé. "Honnêtement, je ne suis pas suspect de complaisance à l'endroit du gouvernement mais c'est un peu tôt pour exiger d'entendre sa voix", assure Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l'Assemblée.
Pour une cadre de la majorité, la stratégie de Christophe Béchu est même la plus judicieuse. "C'est très malin d'être en retrait, affirme-t-elle. Je ne suis pas sûre qu'il ait intérêt à être en première ligne sur l'actu. Il y a plus de coups à prendre. C'est bien qu'il prenne le temps de s'accoutumer à ses sujets qui sont majeurs."
"L'urgence, c'est d'éteindre les feux"
Pourtant, ces derniers jours, un visage est bien apparu en première ligne dans l'équipe de l'ancien maire d'Angers. Encore peu connue du grand public, Bérangère Couillard, secrétaire d'Etat à l'Ecologie et députée de Gironde, communique abondamment sur les incendies qui frappent son département. Elle s'est ainsi rendue à Landiras, où plus de 13 000 hectares ont été brûlés.
La secrétaire d'Etat a déjà évoqué l'après, à savoir "la restauration de ce poumon forestier". Sa visite, samedi, s'est d'ailleurs décidée au dernier moment alors qu'elle était en Charente-Maritime pour un déplacement avec le ministre de l'Agriculture.
Du côté de l'entourage du ministre de la Transition écologique, on se défend au contraire de ne pas être allé sur le terrain, assurant qu'il ne peut pas imposer sa présence en Gironde quand "l'urgence, c'est d'éteindre les feux". De manière plus générale, son entourage vante la méthode Béchu, basée sur les échanges. "Ce n'est pas dans sa conception d'arriver avec un plan pré-établi et de dire : 'Voilà comment on va faire' sans concertation et en faisant du bruit médiatique", décrit-on. Le temps venu, Christophe Béchu parlera de "sa méthode et des incendies, et de la façon dont on adapte notre société au dérèglement climatique". Vaste programme.