Fifa : au procès pour escroquerie de Michel Platini et Sepp Blatter, le choc des cultures
L'ancien président de l'UEFA, Michel Platini, ancien conseiller de Sepp Blatter, ex-président de la Fifa, quitte le Tribunal pénal fédéral suisse après le premier jour de son procès pour un paiement frauduleux présumé. À Bellinzone, dans le sud de la Suisse, le 8 juin 2022.
Le procès de Michel Platini et de l'ex-président de la Fifa Sepp Blatter pour escroquerie a tourné, jeudi, au choc des cultures, entre les coulisses informelles du football mondial décrites par les accusés et l'étonnement palpable de la justice suisse.
Pour une poignée de francs suisses. Le procès pour escroquerie de l'ex-président de l'UEFA, Michel Platini, et de l'ex-président de la Fifa, Sepp Blatter, a tourné jeudi 9 juin au choc des cultures entre les coulisses du football mondial et la justice suisse.
"Quand Sepp Blatter m'a demandé d'être son conseiller, il m'a demandé quel salaire je voulais. J'ai été surpris qu'il me pose cette question et je lui ai dit : 'Je veux un million'", raconte le triple Ballon d'Or, 66 ans, au deuxième jour du procès devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone.
"Sepp m'a dit 'un million de quoi ?'. Et moi, pour rigoler, j'ai dit 'des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c'est toi qui décides'. Il m'a dit : 'Ok, un million de francs suisses'", poursuit l'ex-capitaine des Bleus, ton espiègle en se remémorant avoir "succombé au charisme" du Suisse pour le porter à la présidence de la Fifa, en 1998.
Silencieuse quelques secondes, la présidente Joséphine Contu Albrizio hésite, puis s'assure que l'ancien patron de l'UEFA (2007-2015), qui paraissait destiné à prendre à son tour la tête de la Fifa jusqu'à ce que ses mésaventures judiciaires ne l'en écartent en 2015, a bien compris "les différences de valeurs" entre devises.
Un paiement "sans fondement", selon le parquet
"Je n'avais jamais été dans une administration comme la Fifa, je ne sais pas comment ça fonctionne […]. J'ai répondu comme ça, un million", balaie l'ex-enfant chéri du football mondial, le premier à combiner à ce degré, jusqu'à sa chute, gloire sportive et responsabilités politiques.
Or, la crédibilité de son récit – conforté par celui de Sepp Blatter – est au cœur du procès des deux hommes pour un paiement suspect de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) accordé au Français par la Fifa en 2011.
Pour les accusés, il s'agit du "solde", certes tardif, de la rémunération convenue entre eux pour le travail de conseiller effectué par Platini entre 1998 et 2002, consistant à assister Blatter dans ses déplacements politiques, aider financièrement les fédérations et réformer le calendrier international.
Mais le parquet y voit un paiement "sans fondement", obtenu en induisant "astucieusement en erreur" les contrôles internes de la Fifa par des affirmations mensongères des deux alliés, soit une escroquerie passible de cinq ans de prison.
L'accusation relève en particulier la contradiction avec l'unique contrat signé entre les deux hommes, en août 1999, prévoyant une rémunération de 300 000 francs suisses [environ 285 000 euros] par an qui avait été réglée par l'instance de Zurich.
Michel Platini "valait son million"
Mais Blatter comme Platini donnent une autre lecture de ce document, arrangement temporaire face aux finances alors fragiles de la Fifa. "[Platini] m'a dit : 'Ce n'est pas tout' et je lui ai répondu 'Le reste viendra plus tard'", a raconté au tribunal le Suisse de 86 ans.
"J'avais simplement cet homme chez moi et il valait son million", a poursuivi le roi déchu du football mondial, fatigué en fin d'audience mercredi, mais très alerte jeudi matin, confirmant un "accord de gentlemen" conclu oralement, sans témoins, et jamais provisionné dans les comptes de la Fifa.
Autre motif de perplexité pour les magistrats, l'erreur de calcul de Michel Platini, qui a fini par réclamer à la Fifa 500 000 francs suisses [480 000 euros environ] de solde par an et en a donc oublié 200 000, faute d'avoir vérifié combien il avait déjà touché. "C'est moi, je me suis trompé", reconnaît le Français pendant que des rires traversent la salle d'audience. "Je m'en suis rendu compte quand le procureur m'a montré le contrat de 1999 pendant l'interrogatoire".
La présidente insiste néanmoins : pourquoi n'avoir jamais pris la peine de mentionner le solde restant à régler ? "J'avais confiance en la personne. Et vous comprendrez que, dans nos discussions, je ne me sentais pas concerné par l'argent, parce que depuis l'âge de 17 ans, je gagne très bien ma vie".
L'audience doit se poursuivre jusqu'au 22 juin, pour une décision attendue le 8 juillet.
Avec AFP