Explosion d'une voiture sur le Dakar : quatre questions qui se posent après l'ouverture d'une enquête par le parquet antiterroriste
"C'est un attentat, on nous a fait exploser." Thierry Richard, l'un des passagers de la voiture qui a explosé jeudi 30 décembre, à Djeddah (Arabie saoudite), quelques jours avant le départ du Dakar 2022, n'en démord pas. Pour lui, la déflagration qui a frappé le véhicule, alors qu'il se rendait à un contrôle technique, est d'origine criminelle. Cette piste qui prend de l'épaisseur après l'ouverture d'une enquête, mardi 4 janvier, par le Parquet national antiterroriste français. Voici ce que l'on sait de cette affaire encore nébuleuse.
Que s'est-il passé jeudi 30 décembre, quelques jours avant le départ du rallye ?
Une voiture de l'écurie Sodicars a explosé, 500 mètres après avoir quitté l'hôtel où l'équipage avait passé la nuit. Le véhicule se rendait au stade où avaient lieu les vérifications des voitures participant à la course. Thierry Richard, 57 ans, qui pilote pour la même écurie et se trouvait à bord du véhicule, a évoqué des "scènes de guerre". Selon le Bordelais, six personnes étaient alors à bord, dont lui sur le siège passager. Il a expliqué à l'AFP avoir été soulevé par le souffle, ajoutant que ses jambes avaient heurté le tableau de bord et que la voiture avait pris feu.
Le conducteur, le pilote chevronné Philippe Boutron, 61 ans, a été grièvement blessé aux jambes. "Philippe m'a demandé de venir l'aider à se sortir du siège, raconte à L'Equipe son copilote, Mayeul Barbet. Il ne sentait plus ses jambes ! J'ai vu l'ampleur des dégâts en l'aidant et ayant des notions de secouriste, j'ai de suite opéré en faisant des garrots car il perdait beaucoup de sang, tout en restant conscient."
Homme d'affaires dans le civil et par ailleurs président du club de foot d'Orléans, Philippe Boutron a d'abord été pris en charge sur place avant d'être rapatrié à l'hôpital militaire de Clamart, dans les Hauts-de-Seine. Il était toujours plongé dans un coma artificiel pour soulager ses douleurs, mercredi, précise son écurie. "Il a été gravement brûlé et déchiqueté au niveau des membres inférieurs, décrit un de ses proches au Parisien. Nous avons très peur que les médecins soient obligés de l'amputer des deux jambes." Les cinq autres personnes à bord n'ont pas été blessées.
S'agit-il d'une explosion criminelle ?
Plusieurs thèses s'opposent. La police saoudienne, saisie de l'enquête, dit n'avoir trouvé aucune trace d'engin explosif sur la carcasse du véhicule et privilégie la thèse de l'accident.
Mais la direction de course refuse d'exclure la piste d'un "acte malveillant". Le patron de l'écurie Sodicars, Richard Gonzalez, affirme même à France Bleu Orléans avoir vu l'enveloppe de la bombe sous la voiture au moment où elle a été embarquée par les enquêteurs : "C'est bien une charge qu'il y avait sous le longeron du véhicule qui a pété. J'étais sur place, j'ai les photos, j'ai tout vu, c'est bien un acte volontaire, il n'y a aucun doute là-dessus." Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a annoncé l'ouverture d'une enquête, mardi. Les investigations ont été confiées à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Le rallye est-il directement visé ?
En 2009, le Dakar s'était résolu à quitter le continent africain après des menaces terroristes visant la course. D'où les dix ans en Amérique du Sud et, depuis 2020, un parcours délocalisé en Arabie Saoudite, qui cherche à changer par le sport son image de royaume rigoriste et peu regardant sur les droits de l'homme. Le pays accueille ainsi un Grand Prix de F1, des combats de boxe prestigieux et même une édition de la coupe du monde de billard.
Aucune menace ne planait sur la course lors des éditions 2020 et 2021 qui se sont déroulées dans le royaume wahhabite. Si c'est une attaque qui a visé le véhicule Sodicars, elle n'a pas été revendiquée. Les organisateurs ont toutefois renforcé les mesures de sécurité aussitôt après l'explosion et enjoint les participants à ne pas se loger hors de la structure officielle. N'empêche, selon L'Equipe, plusieurs concurrents vérifient désormais sous leur voiture chaque matin.
L'Arabie saoudite est-elle (re)devenue un pays dangereux ?
Le royaume a connu deux décennies noires, avec plus de 800 attentats depuis 2000. Depuis quelques années, même si nombre de ses ressortissants garnissent les rangs des organisations terroristes Etat islamique ou Aqpa, la situation apparaissait plus apaisée.
Cependant, en 2020, les attaques ont repris, ciblant spécifiquement la France. En octobre un vigile du consulat de France à Djeddah a été légèrement blessé dans une attaque à l'arme blanche, deux semaines avant qu'une bombe explose dans le cimetière non-musulman de la ville lors des commémorations du 11-Novembre. L'Etat islamique a revendiqué l'attaque et expliquait viser le consul de France. "La menace terroriste persiste en Arabie saoudite. Il convient de faire preuve d'une vigilance maximale dans la vie quotidienne, notamment lors des déplacements", insiste le ministère des Affaires étrangères sur sa page "Conseil aux voyageurs".