Enquête contestée, propos déformés... On vous résume les polémiques autour du procès de l'attaque des policiers à Viry-Châtillon
Au terme de six semaines de procès à huis clos, cinq jeunes ont été condamnés en appel à des peines allant de six ans à dix-huit ans de réclusion criminelle. Un verdict trop léger selon les syndicats de policiers et des personnalités de droite.
Les polémiques s'accumulent, après le verdict rendu dimanche 18 avril dans l'affaire des policiers brûlés à Viry-Châtillon (Essonne) en 2016. Au terme de six semaines de procès à huis clos, la cour d'assises des mineurs de Paris, statuant en appel, a déclaré cinq des treize accusés coupables de tentative de meurtre.
Plus clémente que celle rendue en première instance, cette décision est vivement critiquée par les syndicats de policiers ainsi qu'une partie de la droite. De son côté, la défense dénonce une enquête tronquée et met en cause la véracité de certains procès verbaux. "C'est une erreur judiciaire, on a mis des innocents en prison, car il fallait des noms à tout prix", regrette Me Sarah Mauger-Poliak, avocate d'un jeune acquitté.
Treize accusés, huit acquittements : un verdict jugé trop léger
Sur les treize accusés, huit ont été acquittés, trois ont été condamnés à 18 ans de réclusion, un autre à 8 ans et le dernier à 6 ans d'emprisonnement. Un verdict plus léger que lors du premier procès, à l'issue duquel seuls cinq accusés avaient été acquittés. "Nous venons d'assister à un naufrage judiciaire (…) alors que l'on sait qu'il y avait 16 assaillants, on se retrouve avec cinq condamnations", a dénoncé Me Thibault de Montbrial, avocat de l'une des victimes.
Plusieurs centaines de policiers se sont rassemblés, mardi, devant les tribunaux de différentes villes de France à l'appel de syndicats policiers. "Nous sommes là pour dire notre incompréhension face au verdict", a déclaré Olivier Hourcau, secrétaire général adjoint d'Alliance, organisateur du rassemblement parisien. "C'est un très mauvais signal envoyé aux policiers. On banalise les agressions envers eux."
Indignation aussi à droite : Xavier Bertrand, candidat déclaré à la présidentielle de 2022, a proposé sur Europe 1 de modifier la Constitution pour pouvoir condamner à des "peines automatiques" les agresseurs de policiers "au terme d'un procès". Avec un tel texte, "il n'aurait pas pu y avoir d'acquittement" dans ce procès, a-t-il commenté, s'attirant les foudres du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.
L'avocate de l'un des acquittés, Yaël Scemama, a déploré les "réactions, voire les récupérations politiques et syndicales aux acquittements prononcés dans une affaire dont tout est ignoré sur le fond". "Un innocent est un innocent, quelle que soit la gravité objective des faits, la personne ou la qualité de la victime", a-t-elle commenté auprès de Mediapart (article payant).
Des procès-verbaux d'auditions "tronqués", selon la défense
Selon la défense, les interrogatoires ont été mal retranscrits, à la défaveur des accusés. Plusieurs avocats affirment que les procès-verbaux ont même été "tronqués". "Les policiers ont transmis 15 pages d'audition de mon client aux magistrats quand ils auraient dû en transmettre 245", affirme Me Mauger-Poliak à l'AFP. "Ne sont gardées que quelques réponses qui, sans explication, peuvent être interprétées comme des éléments à charge. Alors que Foued [l'un des mis en cause] répète plus de cent fois qu'il n'a pas participé aux violences, qu'il ne connaît pas les auteurs, il ressort du PV dressé qu'il ne se rappelle pas y avoir participé !" affirme Yaël Scemama à Mediapart.
Mediapart a aussi eu accès à l'enregistrement des auditions, filmées, de deux prévenus. "Ces auditions montrent les impasses des investigations et l'acharnement des officiers de police judiciaire à trouver des coupables malgré, dans certains cas, l'absence de preuves", écrit le site d'information.
Me Frédérick Petipermon, avocat d'un des accusés qui se pourvoit en cassation, a déclaré au Parisien avoir déposé une plainte contre les enquêteurs pour "faux et usage de faux". Les avocates Sarah Mauger-Poliak et Yaël Scemama, ont également exprimé l'intention de leurs clients d'attaquer les enquêteurs en justice. Ces critiques ont fait réagir le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, qui a pris la défense des enquêteurs : "Je les soutiens de toutes mes forces quoi qu'il arrive et quoi qu'on dise. Je les défends et je les défendrai."
Les propos de l'avocat général "dénaturés"
L'avocat général, qui avait requis pendant le procès 12 peines allant de 12 à 25 ans de réclusion et un acquittement, a été pris pour cible en raison de propos qu'il aurait tenus à l'audience. Dans un entretien au Figaro (article payant) dimanche, Me Thibault de Montbrial, avocat d'une victime, avait assuré que l'avocat général avait dit aux accusés "qu'ils constituaient à ses yeux 'une richesse pour le pays'".
"L'avocat général qui est censé être l'avocat de la société, qui est directement sous les ordres du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a commencé son réquisitoire en disant à ces jeunes qu'ils sont une richesse pour la société. Comment voulez-vous que l'on puisse admettre cela", a commenté Marine Le Pen sur RTL. "Un procureur ne peut pas dire à des criminels qui voulaient brûler vif des policiers qu'ils sont 'une chance pour la France'", a encore tweeté la présidente ex-LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.
Les propos du représentant du parquet ont été "dénaturés", selon le garde des Sceaux, qui a demandé à consulter une partie du réquisitoire de l'avocat général. "Voilà ce qu'il dit aux accusés : 'Assumer ses actes et devenir un homme. Pour ce faire, il s'agira de briser la loi du silence, (...) en dialoguant, en échangeant, en parlant non pas pour propager des rumeurs ou parler seulement entre vous, mais (...) avec tous les citoyens venus d'horizons différents qui font la richesse de notre pays, dont vous êtes, ne vous en déplaise, aussi les enfants'", a lu Eric Dupond-Moretti sur RTL.
La procureure générale de Paris, Catherine Melet-Champrenault, a regretté la diffusion de "propos erronés". "La déformation publique, parcellaire et trompeuse, des propos d'un magistrat, par des personnes manifestement animées d'une intention de nuire et dont certains n'ont pas assisté aux débats, constitue une nouvelle tentative de déstabilisation de l'institution judiciaire", a-t-elle dénoncé.