Ehpad : le gouvernement promet de "taper fort" après le scandale Orpea
La ministre déléguée à l'Autonomie a annoncé mardi matin le lancement de deux enquêtes administratives et exprimé son "dégoût pour les pratiques managériales" d'Orpea, après la lecture du livre-enquête "Les Fossoyeurs", qui décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" par souci de rentabilité.
Le gouvernement a fait part de son "indignation" auprès des dirigeants d'Orpea et décidé de "taper fort" en lançant une double enquête, administrative et financière, sur l'ensemble du groupe mis en cause dans un livre sur la gestion des Ehpad(établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), en France, a dit, mardi 1er février, la ministre déléguée chargée de l'Autonomie.
"On ne va pas se contenter des explications lors d’un rendez-vous à une convocation, (...) c’est tout le groupe que nous allons interroger", a déclaré sur France Inter Brigitte Bourguignon avant de recevoir dans la matinée le nouveau PDG d'Orpea, Philippe Charrier, nommé dimanche après le limogeage du DG Yves Le Masne, ainsi que du directeur général d'Orpea pour la France, Jean-Christophe Romersi.
"Nous lançons une enquête Igas [Inspection générale des affaires sociales] et une enquête financière de l’IGF [Inspection générale des finances]", a annoncé la ministre déléguée. "C'est une première, parce qu'il faut taper fort pour bien montrer qu'on ne fait pas n'importe quoi dans ce pays (...) dans une activité qui ne doit pas être lucrative au détriment de la bien-traitance", a-t-elle expliqué.
Dans un livre baptisé "Les Fossoyeurs" et paru la semaine dernière, Orpea, qui se revendique comme "l'un des principaux acteurs mondiaux de la prise en charge globale de la dépendance, avec un réseau de 1 156 établissements pour 116 514 lits", est accusé d'actes de négligence et d'imposer des restrictions aux résidents de ses établissements, ce qu'il conteste.
Des "pratiques" qui "jettent l’opprobre sur tout un secteur"
Ces "pratiques et dysfonctionnements graves et intolérables [...] dénoncés dans cet ouvrage […] jettent l’opprobre sur tout un secteur, ils inquiètent les résidents et leur famille et ils contribuent à décourager des professionnels mobilisés en première ligne depuis le début de la crise sanitaire", a déploré Brigitte Bourguignon dans un communiqué.
S'adressant à la presse à l'issue de sa convocation par la ministre, Philippe Charrier a dit "comprendre l’émotion" suscitée par cette enquête et s'est engagé à "faire la lumière totale sur ces événements".
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"Madame la ministre nous a dit qu'elle allait faire des inspections, des contrôles, et nous [en] sommes très heureux [...]. D'ores et déjà, nous savons que plusieurs de ces accusations sont infondées, j'en ai la preuve [...] formelle, documentaire", a-t-il ajouté.
Le groupe, dont l'action a été secouée la semaine dernière à la Bourse de Paris après la sortie du livre, a annoncé la création d'une mission d'évaluation par deux cabinets indépendants sur les accusations à son encontre, puis le limogeage d'Yves Le Masne, "un gros fusible" selon les termes de Brigitte Bourguignon.
"On fait des enquêtes qualité très régulièrement", avec un taux de satisfaction de 90 %, a déclaré Philippe Charrier, mais "on ne peut pas être à 100 % dans ce métier, surtout que les résidents qui arrivent dans nos établissements sont souvent dans des états de santé difficiles". Quand il existe "des événements indésirables", a-t-il poursuivi, "on les rapporte tout de suite aux autorités de contrôle".
"La personne âgée, ce n'est pas un produit commercial"
Au-delà du cas Orpea, Brigitte Bourguignon a reconnu sur France Inter un problème plus global, "systémique", lié à la vétusté des Ehpad, au manque de personnels ou à l’insuffisance des inspections.
Elle a promis des annonces dans les trois semaines sur les contrôles et la transparence des Ehpad, dont un classement sera rendu public.
"Des contrôles inopinés seront en outre organisés conjointement par les services des Agences régionales de santé et des autres services de contrôle de l’État dans les établissements d’Orpea, au-delà de celui des Bords de Seine" [pointé dans l'ouvrage de Victor Castanet], a précisé Brigitte Bourguignon dans son communiqué.
"La personne âgée, ce n'est pas un produit commercial, ce sont des gens qui ont le droit au respect et à la dignité", a souligné la ministre sur France Inter.
Avec Reuters