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Insolite et Faits divers

Disparition de Delphine Jubillar : comment Cédric, son mari, est devenu le suspect numéro un

Il n'y a pas de scène de crime et "aucune preuve" irréfutable de la culpabilité de Cédric Jubillar, martèlent ses avocats. Pourtant, pour les enquêteurs, le mari de Delphine Jubillar, disparue à Cagnac-les-Mines (Tarn) dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, est devenu l'homme que tout accuse. Battues, plongeurs, drones, hélicoptères, appel à témoins… Malgré des moyens de recherches considérables, cette infirmière de 33 ans reste introuvable. Mis en examen pour "homicide par conjoint" après 44 heures d'interrogatoire en juin, Cédric Jubillar est incarcéré à l'isolement à la maison d'arrêt de Seysses, près de Toulouse (Haute-Garonne). "L'ensemble des indices récoltés et agglomérés font toujours de Cédric Jubillar le principal suspect dans cette affaire", rappelait il y a quelques semaines l'avocat général de la chambre d'instruction, requérant, pour la deuxième fois, le rejet de sa demande de remise en liberté. Le mari suspect va être entendu par deux juges d'instruction toulousaines, vendredi 15 octobre, dix mois après la disparition de son épouse. Il devra revenir sur quelques indices "graves et concordants" rassemblés tout au long de l'enquête. Des "explications évolutives" et "contradictoires" Depuis le début de l'affaire, les enquêteurs considèrent que ce peintre-plaquiste de 34 ans leur a apporté des "explications évolutives pour ne pas dire contradictoires", déclarait le procureur de Toulouse, Dominique Alzeari, après la mise en examen de Cédric Jubillar. A commencer par sa version des faits. Auditionné une première fois à la gendarmerie au lendemain de la disparition, il assure s'être couché vers 22h30, puis avoir été réveillé par les pleurs de leur fille de 18 mois vers 4 heures. Il constate alors l'absence de sa femme et raconte avoir téléphoné à l'une de ses amies, pensant qu'elle pourrait être chez elle, avant de contacter le 17. Entendu à nouveau par les enquêteurs une semaine après, Cédric Jubillar a avancé une hypothèse : elle serait allée promener leurs deux chiens. Il assure que c'était dans ses habitudes, "le soir surtout", relaie Le Parisien. Une version hautement improbable, selon les enquêteurs. Comment aurait-elle pu s'absenter seule, en plein couvre-feu, alors qu'elle n'aimait "pas sortir dans le noir" comme l'a rappelé le procureur ? Plusieurs voisins assurent qu'elle ne sortait "jamais toute seule avec les chiens" : c'était son mari remplissait cette tâche. Six mois plus tard, Cédric Jubillar est d'ailleurs revenu sur cette version, lors de l'audition précédant sa mise en examen, relève Le Point. Il a alors déclaré avoir lui-même promené les chiens pendant que sa femme regardait une émission à la télé avec leur fils aîné. Le trentenaire a également assuré dans un premier temps qu'il n'y avait pas eu de dispute et qu'ils étaient tous les deux allés se coucher et qu'il s'était plus tard réveillé pour découvrir que sa femme s'était volatilisée. Mais les enquêteurs estiment avoir mis au jour "deux éléments importants" qui ont entraîné la mise en examen du suspect, a précisé le procureur. Le fils du couple, âgé de 6 ans, dit avoir entendu vers 23 heures une "violente dispute". Une affirmation que Cédric Jubillar a contestée, assurant qu'il devait confondre "avec une autre soirée". Le procureur a ajouté qu'"au même moment, à 23h07 très précisément", deux voisines ont entendu "des cris stridents et de détresse d'une femme (…) qui vont disparaître et s'arrêter dans la nuit". Les deux femmes n'ont pas alerté les gendarmes. Sur ce point, Cédric Jubillar "ne donne pas de réponse crédible", selon le procureur. Un comportement suspect le soir de la disparition Plusieurs éléments troublants, voire incohérents, ont par ailleurs été relevés dans l'attitude du peintre-plaquiste. D'après les informations du Parisien, Cédric Jubillar a coupé son téléphone "plusieurs heures avant de le rallumer à 3h54, quelques minutes après avoir constaté, dit-il, l'absence de son épouse". Or, les gendarmes ont constaté qu'il ne l'avait jamais éteint pendant les mois précédents lorsqu'il se couchait. Pourquoi l'avoir fait cette nuit-là ? Interrogé sur ce point, l'artisan a rétorqué qu'il n'avait plus de batterie. En observant l'historique de son portable, les enquêteurs ont également été frappés par la rapidité avec laquelle il a contacté les gendarmes : 16 minutes se sont écoulées entre le moment où il a constaté la disparition de son épouse et le moment où il les a appelés. Son podomètre indique qu'il n'a fait que 40 pas, montrant, selon eux, qu'il n'a que très peu cherché son épouse. Ses avocats réfutent cet élément, soulignant qu'il a pu effectuer des recherches sans avoir son téléphone sur lui. L'accusation s'interroge également sur la couette du couple. Celle-ci a été placée dès le matin de la disparition dans le tambour de la machine à laver. "Mais la machine n'a pas été lancée", d'après France Bleu. Si les analyses de l'eau de la machine à laver n'ont révélé aucune trace de sang, les résultats d'expertise de la couette ne sont toujours pas connus à ce jour. "Est-ce que c'est du travail sérieux, pour moi la réponse est non !" s'insurge Me Jean-Baptiste Alary, l'avocat de Cédric Jubillar. Un divorce tumultueux L'homme a par ailleurs assuré aux enquêteurs qu'il "ignorait que son épouse voulait le quitter pour un autre". Mais les investigations ont permis de conclure que ses déclarations étaient "complètement mensongères", a pointé le procureur de Toulouse. Le couple était en instance de divorce, après dix ans de vie commune et l'enquête a montré que Cédric Jubillar était en réalité au courant que son épouse avait un amant, rencontré l'été précédent. Elle comptait s'installer avec lui, avait souscrit un emprunt et acheté des meubles. Il a aussi affirmé dans un premier temps que la séparation"se passait de manière non conflictuelle". En réalité, le couple était au bord de l'implosion. "La situation à la maison devenait invivable pour elle, lui ne voulait pas quitter le domicile et la laisser", a raconté un membre de la famille Jubillar à France Bleu. Cédric Jubillar "avait une très grande difficulté à accepter cette séparation", a constaté le procureur. Pour les enquêteurs, le mobile privilégié est celui de la jalousie et du rejet de ce divorce, mais au fil de l'enquête, un autre point de crispation a émergé : celui de l'argent. Cédric Jubillar est apparu comme très dépendant financièrement. "Je sais que c'est elle qui subvenait à tous les besoins de la famille parce que lui n'avait pas vraiment de travail. Entre le confinement et tout ce qui s'est passé, en étant autoentrepreneur, il avait perdu beaucoup de contrats", a précisé le membre de la famille Jubillar qui témoigne anonymement. Cédric Jubillar avait organisé une véritable "surveillance de son épouse, allant sur son compte pour voir si elle avait fait des dépenses, étant très intrusif sur la façon dont son épouse organisait sa séparation", a détaillé le procureur. A deux reprises en décembre, il avait consulté les comptes bancaires de Delphine Jubillar sur des distributeurs automatiques, a ainsi révélé La Dépêche. Le jour de sa disparition, l'infirmière s'était par ailleurs rendue dans son agence bancaire à Albi pour changer ses codes de carte bleue afin que son époux ne l'utilise pas, ajoute le quotidien. Elle a également demandé la fermeture de leur compte commun. A mesure que l'échéance de la séparation approchait, Cédric Jubillar s'est parfois montré particulièrement menaçant à son égard. "Elle m'énerve. Je vais la tuer, je vais l'enterrer et personne ne la retrouvera", a-t-il lâché à sa mère, entre fin octobre et début novembre, selon Le Parisien. Il aurait proféré des menaces de mort devant au moins deux autres personnes, rapporte le quotidien. Un passage à l'acte pourrait avoir été motivé par la découverte d'une photo envoyée par Delphine Jubillar à son amant, le soir de sa disparition. Elle y apparaît en tenue de nuit, prête à aller se coucher. Un SMS retrouvé sur le portable de Cédric Jubillar, envoyé le 16 décembre au matin, appuie cette théorie : "J'ai grillé Delphine !" a-t-il envoyé à un proche. "Bah oui, c'est moi… Evidemment que c'est moi !" Une semaine après la disparition de son épouse, Cédric Jubillar a participé à une grande battue organisée par l'entourage de sa femme. Il s'est ensuite fait discret dans les mois qui ont suivi, avant de prendre part à une nouvelle journée de recherches, le 16 mai. Ce jour-là, il a affirmé dans l'émission "66 Minutes" qu'il avait le sentiment que sa femme avait disparu volontairement, selon ses propos retranscrits dans La Dépêche. "Il y a certaines personnes qui disparaissent pendant 11 ans, qui ne donnent pas de signe de vie, et qui, du jour au lendemain, réapparaissent et vous disent : 'Bonjour, tout va bien'". Les enquêteurs ne croient pas à cette théorie. Selon le procureur, "elle n'avait strictement aucune raison de disparaître, alors qu'elle préparait les fêtes de Noël, et notamment en abandonnant ses enfants". Selon le procureur, la personnalité du mis en examen "méritera une expertise". "Ce qui ressort, c'est une forme de déni très rapidement, un deuil très rapide, le fait de parler très vite de son épouse au passé, de reprendre rapidement une vie affective", liste-t-il. Six mois après la disparition de son épouse, le peintre-plaquiste s'est en effet montré très proche d'une autre femme, Séverine L., 44 ans, amie de longue date du couple Jubillar. Sa nouvelle compagne a d'ailleurs assuré sur France 3, que Cédric Jubillar était "adorable" et "attachant" et qu'il s'occupait "bien de ses enfants". Elle précise qu'elle le croit "innocent". Malgré la gravité de la situation, Cédric Jubillar a plaisanté quand ses amis lui ont demandé s'il était coupable du meurtre de sa femme : "Cédric nous répondait en fanfaronnant : 'Bah oui, c'est moi… Evidemment que c'est moi !' Mais d'une façon telle que l'on comprenait exactement l'inverse", a raconté l'une de ses connaissances au Parisien. Connu pour son fort caractère et son côté provocateur, il s'amuse aussi d'être devenu "le mec le plus connu du Tarn", rapporte le quotidien. La "seule piste monomaniaque des enquêteurs" Difficile de savoir quelle attitude adoptera Cédric Jubillar lors de son audition de vendredi, après quatre mois d'incarcération à l'isolement. En garde à vue en juin, il avait fait preuve d'un aplomb considérable. "Nous savions que l'on aurait en face de nous une personnalité compliquée qui n'allait pas craquer au bout de quinze minutes", avait glissé une source proche de l'enquête au Parisien, affirmant qu'il était "retors". Dans une interview donnée à Actu.fr, Me Jean-Baptiste Alary, l'un des avocats de Cédric Jubillar, regrette que son client soit devenu "la seule piste monomaniaque dans l'esprit des enquêteurs". Il se dit "choqué qu'on ait mis en examen puis ordonné l'incarcération d'un homme sans une once de preuve, sur la base d'indices qui ne sont ni graves, ni concordants". Selon lui, il faudrait notamment creuser la piste d'une vengeance de la femme de l'amant de Delphine Jubillar. L'hypothèse d'un rôdeur est également à prendre au sérieux, selon lui. En l'absence du corps ou d'un élément accablant, peu de chances qu'il plie face aux juges d'instructions. "D'autant que ce sera plus light d'une garde à vue", anticipe Dominique Rizet, consultant et chroniqueur de l'émission "Faites entrer l'accusé", à France Bleu. "Une audition par deux juges, ce n'est pas une garde à vue de 48 heures. Cela ne dure que quelques heures dans un cabinet, en présence de ses avocats". Pour le consultant, c'est clair : si Cédric Jubillar "n'a pas craqué jusqu'à maintenant, il n'y a aucune raison qu'il parle".

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