Dans la peau d'un smartphone avant le lancement de l'iPhone 14 d'Apple
Je suis un smartphone ou un téléphone intelligent, comme on dit en bon français. Je suis dans les poches de 77% des plus de 15 ans, 94% des 15-29 ans, malgré mon prix ! En parlant de prix, ça va piquer quand Apple présentera ma dernière version, la 14ème : je pourrais augmenter d’une centaine d’euros et il sera sans doute impossible de me trouver à moins de 1 000 euros. Et Samsung, le champion des ventes, n’est pas en reste en matière d’augmentation.
Mes fabriquants le savent, vous continuerez à m’acheter parce que ne pouvez plus vous passer de moi... D'ailleurs, ils ne font même plus l'effort de me vendre avec mes écouteurs et mon chargeur. Officiellement, c'est pour "limiter mon impact écologique". Mais il faut savoir que, avant d’atterrir, dans votre poche, j’ai fait quatre fois le tour du monde : de ma conception aux États-Unis à la fabrication de mes composants en Asie, en passant par l’extraction des matières premières en Afrique centrale, avant d’être distribué un peu partout en avion… Donc, entre nous, cette histoire de chargeur ne va pas régler le problème de mon empreinte carbone. Bref, pas de plan d’austérité pour moi parce que je suis in-dis-pen-sa-ble.
De la captologie pour la nomophobie
Je fais le même effet à tout le monde et je le fais exprès. Je travaille même avec des neuropsychiatres qui façonnent vos mécanismes cognitifs d’addiction. Ça s’appelle la captologie, ou l’art de capter votre attention en permanence. Bientôt, vous ne pourrez peut-être plus acheter un billet de train ou même payer sans moi donc on ne peut pas vous en vouloir d’être totalement dépendant... Vous êtes même 34% à paniquer à l’idée d’être séparés de moi. Ça s’appelle la nomophobie, pour "no mobile phobia".
Mais mes ventes ne sont pas au beau fixe... Il faut dire que je n’ai pas eu de chance avec les pénuries de composants, l'inflation, toutes ces histoires de décroissance et de téléphones reconditionnés. Sans parler des études scientifiques qui m'accusent de créer de l'isolement et de nuire au développement cérébral des enfants ! Il paraîtrait même que j'altère votre rapport à la nature car, à force de me regarder, vous ne regardez plus les oiseaux. Certains consommateurs reviennent même aux téléphones stupides ! Mais, franchement, ça vous manque, vous, le temps où l'on s’écrivait des lettres et où l'on téléphonait dans les toilettes du café ? C’est vrai que, à cette époque, je ne tenais aucune place dans le bonheur d’une vie.