CRIMES DE FEMMES. Hélène Jégado, cette Bretonne qui cuisinait la mort partout où elle allait
C’est un fait incontestable de la criminologie : les femmes résistent à l’appel du crime. Depuis toujours, et ce peu importe où dans le monde, la grande majorité des méfaits violents est commise par des hommes. En France, par exemple, 85% des crimes commis en 2020 l’ont été par des descendants d’Adam, soit un total de 148 130 infractions pénales contre « seulement » 26 361 pour les filles d’Ève. L’écart entre les sexes dans les crimes « semble être quelque chose qui résiste vraiment au changement« , souligne Jukka Savolainen, ex-directeur des Archives nationales des données sur la justice pénale dans le Michigan.
Cela ne veut néanmoins pas dire que les femmes ne tuent pas. À travers l’histoire, des exceptions ont fait preuve d’un grand machiavélisme, sabotant l’image de douceur et de maternalisme souvent donnée aux femmes. C’est notamment le cas de Jane Toppan, Fabienne Kabou ou encore Hélène Jégado. Entre 1830 et 1850, cette cuisinière sans histoire a ôté la vie à plusieurs dizaines d’innocents… Retour sur l’affaire.
L’empoisonneuse bretonne
Rennes, 1851. Après la mort suspecte de plusieurs femmes de chambre d’une même demeure, le maître de maison, Théophile Bidard de la Noë, expert en affaires criminelles, demande une autopsie des corps. À l’horreur générale, les examens chimiques révèlent un empoisonnement à l’arsenic.
Les soupçons de la police se tournent vers Hélène Jégado, la cuisinière de la maisonnée. Plusieurs fois renvoyée par d’anciens employeurs pour vols, la gargotière de 48 ans a très mauvaise réputation en raison de sa consommation d’alcool. « C’est à Rennes, surtout, que son problème d’alcool est visible« , écrit Peter Meazey dans La Jégado, l’empoisonneuse bretonne. De plus, son nom est mêlé à plusieurs évènements tragiques.
De plus, son nom est mêlé à plusieurs évènements tragiques. Jégado est notamment la seule survivante d’une épidémie de choléra ayant emporté sa sœur et toute la maisonnée du prêtre pour lequel elle travaillait en 1833. Elle était également présente lorsqu’en 1948, le fils de 7 ans de ses employeurs, Victor Rabot et Charlotte Brierre de Montvault, ainsi que deux gouvernantes et une servante, ont succombé à un mal s’apparentant au choléra. Or, les symptômes du choléra sont étrangement similaires à ceux d’un empoisonnement à l’arsenic…
Elle empoisonnait la soupe et les gâteaux qu’elle préparait
Le 2 juillet 1851, Hélène Jégado est arrêtée et incarcérée à la prison de Rennes. Celle que la presse surnomme La Sorcière de Bretagne nie toutes les accusations portées à son égard, mais le juge d’instruction met en avant son intime conviction. La route de Jégado est jonchée par trop de cadavres pour que cela soit un hasard. De plus, des reliques appartenant à certaines de ses victimes présumées et un flacon d’arsenic sont découverts dans ses bagages. Trente-six meurtres, au moins, sont attribués à la cuisinière, mais on estime qu’elle en aurait commis plus de 80, dont des enfants en bas âge. Tous ont eu lieu dans les presbytères et maisons bourgeoises où elle était employée. Il se dit qu’elle ajoutait de la « poudre blanche » dans la soupe et les gâteaux qu’elle préparait…
Le 14 décembre 1851, Hélène Jégado est jugée coupable des 18 chefs d’accusation prononcés à son encontre et condamnée à mort. Le matin de son exécution, elle avoue ses crimes à l’abbé Tiercelin. Elle nie toutefois le meurtre de sa sœur Anna. « Elle reconnaît alors plusieurs crimes et accepte que ses aveux soient rendus publics« , confiera ce dernier. Hélène Jégado est guillotinée le 26 février 1852, place du Champ-de-Mars à Rennes. Selon l’écrivain Jean Teulé, auteur de la biographie romancée de Jégado, Fleur de tonnerre, elle est la plus grande tueuse en série du monde.
Vous pouvez retrouver ici le précédent papier de notre série d’été CRIMES DE FEMMES : Jane Toppan, cette infirmière joyeuse qui tuait ses patients pour le plaisir charnel