CAN 2024 : Franck Kessié, symbole d'une équipe de Côte d'Ivoire qui a su relever la tête
Le "Président" des Éléphants
À 27 ans, Franck Kessié est un pilier de l'entrejeu de la Côte d'Ivoire. Et à l'image de son équipe, l'Éléphant a plongé mentalement lors d'un début de CAN compliqué, avant de renaître face au Sénégal en huitièmes de finale. Le joueur, décisif à deux reprises face aux Lions de la Téranga, semble maintenant s'être remis la tête à l'endroit et sera sans doute un atout de poids pour sa sélection samedi face au Mali.
Franck Kessié fait sa traditionnelle célébration après avoir inscrit le tir au but vainqueur de la Côte d'Ivoire face au Sénégal en huitièmes de finale de la CAN 2024 à Yamoussoukro, le 29 janvier 2024.
La Coupe d'Afrique des nations a des airs de montagnes russes émotionnelles pour Franck Kessié. À l'image de sa sélection, la Côte d'Ivoire, le milieu de terrain âgé de 27 ans est sur courant alternatif depuis le début de la compétition jouée à domicile par les Éléphants.
Le "président" - son surnom - et ses coéquipiers ont connu un début de CAN 2024 compliqué avec une défaite face au Nigeria (0-1) et une humiliation à domicile face à la Guinée équatoriale (0-4), puis une qualification en huitièmes de finale sur le fil grâce à la victoire du Maroc face à la Zambie (1-0)... avant de renverser le champion d'Afrique en titre, le Sénégal (1-1, t.a.b. 5-4), lors du premier match à élimination directe.
Que ce soit pour le pire ou le meilleur, Franck Kessié a été de la partie à chaque fois. Lors du match d'ouverture face à la Guinée-Bissau (2-0), il avait pourtant commencé de la meilleure des manières avec une passe décisive pour Seko Fofana dès la 4e minute.
"Une CAN à domicile, cela représente beaucoup, on est tous conscient de ce qui nous attend, on a bien bossé", affirmait-il en conférence de presse avant la première rencontre. "Que les supporters fassent de leur mieux pour nous soutenir, nous de notre coté on va puiser dans nos dernières ressources pour donner le meilleur et leur faire plaisir".
Mais la suite a plutôt ressemblé à un cauchemar : les Éléphants ont plongé mentalement, enchaîné deux défaites et frôlé l'élimination dès les phases de groupes jusqu'à la dernière minute. Franck Kessié, l'un des piliers de l'équipe, s'est alors retrouvé en première ligne pour essuyer les critiques de ce naufrage.
"Jamais envisagé de renoncer"
"C'est clair que, quand la Côte d'Ivoire joue mal, c'est plus facile d'indexer un joueur comme Franck Kessié parce que je fais partie des anciens et je suis aussi l'un des joueurs qui a le plus d'expérience dans cette équipe", a reconnu le joueur au micro de beIN Sports après la victoire face au Sénégal. "Donc c'est normal. C'est normal que je reçoive les critiques pour pouvoir protéger les plus jeunes. Donc je les accepte et les critiques nous permettent de travailler et d'aller le plus loin possible."
Lors du match face aux Lions de la Téranga, Kessié a démarré la rencontre sur le banc – un choix fort d'Emerse Faé pour son premier match en tant qu'entraîneur de la Côte d'Ivoire. Mais dès son entrée en jeu à la 73e minute, l'expérimenté "président" – 69 sélections avec les Éléphants, 8 buts – a fait preuve de sang-froid en égalisant en fin de match sur penalty (86e) puis en marquant le tir au but de la victoire.
Un retour en grâce pour lui et ses coéquipiers, qui sont revenus de loin. "Quand tu sors d'un match contre la Guinée équatoriale où tu t'es fait tabasser devant ton public, dans le stade qui porte le nom du président, on a vraiment ressenti cette frustration et cette humiliation. C'est comme si on était les vendus de la nation. Après le match du Maroc on a été repêchés et je crois qu'on n'avait plus rien à perdre. Et comme on le dit, un revenant ne peut pas avoir peur", a expliqué Franck Kessié.
Le milieu de terrain n'est pas du genre à renoncer depuis le début de sa carrière professionnelle. Né le 19 décembre 1996 à Ouragahio, Franck Kessié grandit dans une famille modeste. Après avoir joué dans des sélections locales, dont le Zady FC, il rejoint à 14 ans le Stella Club d'Adjamé, à Abidjan. D'abord chez les jeunes, puis dans l'équipe première.
Rapidement repéré par des clubs français (FC Nantes et Tours FC), ses essais dans l'Hexagone ne sont pas concluants. Mais il ne renonce pas pour autant à rejoindre l'Europe, et son pari devient gagnant quand il signe pour trois ans à l'Atalanta Bergame (Serie A) en janvier 2015.
Le président du Stella Club d'Adjamé l'avait poussé à faire ce choix. Salif Bictogo se souvient d'ailleurs de la force de caractère qu'avait alors déjà Franck Kessié, comme il l'a raconté à So Foot : "L'Italie, c'est une place forte du foot mondial. Il savait qu'il apprendrait beaucoup tactiquement, qu'il travaillerait physiquement. Je l'avais souvent au téléphone. C'était dur pour lui, loin de sa mère et de ses six frères et sœurs. Mais il s'est accroché, ne s'est jamais plaint et n'a jamais envisagé de renoncer."
"Encore du chemin à faire"
Franck Kessié s'impose à Bergame, où il repéré par plusieurs grands clubs européens... dont l'AC Milan, avec qui il s'engage en 2017. Avec les Rossoneri, il dispute 202 matches en cinq saisons et marque à 36 reprises. Parti libre, il rejoint le FC Barcelone pendant une saison. Mais l'aventure tourne court chez les Blaugrana, notamment en raison d'un temps de jeu insuffisant. Au bout d'un an, il s'engage en Arabie saoudite, à Al-Ahli, où il est encore actuellement.
Côté sélection, le milieu de terrain ivoirien a goûté jeune à la saveur des matches internationaux : il dispute son premier match le 6 septembre 2014 à l'âge de 17 ans, 8 mois et 18 jours. Mais malgré sa précocité, on le revoit peu avec les Éléphants, jusqu'à ce que le sélectionneur Michel Dussuyer ne le rappelle en 2016.
"Kessié n'avait que 21 ans, mais déjà beaucoup de maturité. Il s'est construit en tant que joueur, mais aussi qu'homme. J'ai découvert un garçon timide, mais très déterminé, qui se donne les moyens de réussir. Cela se voit, sur le terrain et en dehors", se remémore l'entraîneur auprès de So Foot.
Depuis, le "président" est un élément moteur de la sélection ivoirienne. Même s'il est actuellement en concurrence avec Jean-Michaël Seri – auteur d'un match plein en tant que sentinelle face au Sénégal – Franck Kessié a su aussi être là dans les moments importants de la rencontre face aux Lions de la Téranga.
"Il fallait tout donner pour créer la surprise, la pression n'était plus dans notre camp. C'est ce qu'on a fait. On a répondu présent et Dieu merci on a gagné. Mais il y a encore du chemin à faire", résumait-il après le match. Et pour poursuivre le chemin, il faudra venir à bout du Mali samedi.