CAN-2022 : Tom Saintfiet, le routard du football qui hisse la Gambie vers le haut de l'Afrique
Tom Saintfiet, le sélectionneur de la Gambie, en train d'encourager un de ses joueurs.
À 48 ans, Tom Saintfiet est parvenu à emmener la Gambie jusqu'en quarts de finale de la CAN-2022. Un exploit pour les Scorpions, dont c'est la première phase finale de leur histoire et dont la réussite doit beaucoup au sélectionneur belge, en poste depuis 2018. Portrait.
Avant de rejoindre la Gambie, Tom Saintfiet a coaché 25 équipes dans 22 pays différents, dont 10 sélections nationales. Bourlingueur du football, le Belge a trouvé une certaine stabilité avec les Scorpions, qu'il a qualifiés pour la première CAN de leur histoire et désormais le premier quart de finale disputé samedi 26 janvier face au pays-hôte, le Cameroun.
"Je n'aime pas trop ce mot de globe-trotter. Je suis globe-trotter pour être entraîneur, pas entraîneur pour être globe-trotter", explique à l'AFP ce sélectionneur au look atypique, entre professeur Tournesol et Didier Raoult.
Du haut de ses 48 ans, Tom Saintfiet a déjà travaillé avec sept sélections africaines mais aussi celles du Yémen, de Trinité-et-Tobago ou Malte, mais également avec les U17 du Qatar et il a été vice-champion des îles Féroé.
Pris pour un fou
"Quand je suis arrivé en juillet 2018, la Gambie n'avait pas gagné un match de compétition depuis cinq ans, en septembre 2013 contre la Tanzanie (2-0 en qualifications pour la Coupe du monde)", se remémore-t-il. "Il n'y avait pas d'espoir, l'équipe était 172e du classement Fifa. J'ai dit: 'Je suis ici pour qualifier la Gambie', tout le monde a pensé que j'étais fou."
Mais le Belge a un projet. Convaincre les binationaux gambiens de rejoindre la petite sélection. La fédération n'est pas assez structurée et riche pour lui payer ces voyages ? Qu'à cela ne tienne, il voyage à ses frais partout en Europe. "Je sais que ma fédération a des moyens limités et donc ou je reste chez moi, ou j'investis moi-même dans mon équipe. L'argent n'a jamais été ma motivation", souffle-t-il.
À force de négociations, il récupère un effectif solide, notamment dans les clubs belges. Parmi les noms connus de la sélection : Omar Colley (ex-Genk), Sulayman Marreh (La Gantoise), Mohamed Badamosi (Courtrai), Ablie Jallow (Seraing), Bubacarr Sanneh (sans club) et, surtout, sa star Musa Barrow (Atalanta).
Dès le premier match, en septembre 2018 contre l'Algérie (1-1), la belle histoire commence entre le Belge et son nouveau pays d'adoption.
"Il y avait 45 000 personnes au stade de l'Indépendance, mais la capacité est seulement de 25 000. Il y avait des spectateurs suspendus aux pylônes d'éclairage, (d'autres avaient) grimpé sur le tableau d'affichage, partout ! On a attendu une heure trente pour commencer, ça dit la passion. Et on a tenu en échec Riyad Mahrez et (ces) grands joueurs !"
Pour venir au Cameroun, la Gambie a réussi un exploit : "terminer premier d'un groupe très dur avec la RD Congo, le Gabon et l'Angola", savoure Saintfiet.
Pour réussir ce tour de force, "ce que j'ai changé, c'est la stratégie, la discipline, sur la pelouse mais aussi à l'extérieur", développe-t-il. "Je suis soutenu par une très bonne fédération et un extraordinaire team manager, Ousmane Drammeh".
La pression sur le Cameroun
Depuis le début de la compétition, la Gambie a souvent moins tiré au but que ses adversaires, mais les Scoprions ont été plus létaux. En conférence de presse, il insiste sur son travail de préparation mentale :
"On leur montre des vidéos du Danemark à l'Euro 1992, qu'ils avaient remporté en tant que grande surprise. La Grèce de 2004 et la Zambie de 2012 nous inspirent également", explique le sélectionneur.
Pour le quart de finale, il n'en sera pas autrement. Il s'est encore attaché à mettre la pression sur le Cameroun.
"On sait que le Cameroun est le grand favori avec au moins 80 % de chances de gagner. Personne ne nous voyait à cette étape au début de la compétition. C'est notre adversaire qui est sous pression : il joue à domicile, c'est une grande équipe et tout le monde le voit Champion d'Afrique....Si on sort de là vivant, on peut créer la surprise", déclare Tom Saintfiet, roublard.
Saintfiet, "amoureux de ce continent depuis (ses) lectures du magazine Afrique Football, qu('il achetait) jeune", savoure, mais voit déjà au-delà de la CAN.
"Je suis un entraîneur professionnel, mon ambition est d'aller à la Coupe du monde. Mais je suis réaliste, la Belgique, la France ou l'Argentine ne m'attendent pas", admet-il. "Alors j'ai voyagé, je parle anglais, allemand, néerlandais, français, un peu arabe et d'autres langues. Je m'adapte très bien, je peux vivre partout, j'ai du respect pour toutes les cultures, j'ai pu vivre au Bangladesh, en Namibie, en Finlande..."
Avec AFP