CAN-2022 : comment expliquer l'absence du Maghreb dans le dernier carré ?
L’Algérie, tenante du titre et favorite, sortie sans gloire dès le premier tour de la CAN. Le Maroc et la Tunisie éliminés en quarts de finale… Malgré des qualités de jeu indéniables, aucune sélection du Maghreb n’a atteint cette année le dernier carré de la Coupe d’Afrique, après une édition 2019 pourtant réussie. Décryptage avec le journaliste spécialisé Nabil Djellit.
En 2019, lors de la Coupe d'Afrique des nations en Égypte, le sacre de l'Algérie portait le Maghreb au sommet du football africain. Une année faste puisque, lors de cette 32e édition, la Tunisie atteignait également les demi-finales. Seul bémol, le Maroc surpris en huitièmes de finale, éliminé par le Bénin aux tirs au but. Mais au Cameroun, pour l'édition 2022, aucune de ces trois formations n'a atteint le dernier carré de la compétition.
La plus grosse déception vient évidemment de l'Algérie, archi-favorite et éliminée dès le premier tour sans avoir gagné le moindre match. Le Maroc, après un premier tour convaincant, a été sorti en quarts par l'Égypte, tout comme la Tunisie, tombée sans gloire face au Burkina Faso.
Comment expliquer cet échec relatif du football maghrébin à la CAN-2022, après les promesses de 2019 ? Manque de vision à long terme ? Difficultés d'adaptation au football continental ? Les explications de Nabil Djellit, journaliste pour France Football, également consultant pour RFI.
France 24 : Comment expliquer la faillite de l'Algérie ?
Nabil Djellit : C'est un fiasco XXL pour l'équipe tenante du titre, qui arrivait sur une dynamique exceptionnelle et une série d'invincibilités de 35 matches ! Mais justement, je pense que les joueurs se sont mis trop de pression, ça leur a 'bouffé le cerveau'. L'équipe, à l'image de son sélectionneur, a manqué de sérénité sur cette CAN, et notamment de sérénité émotionnelle. Cela s'est traduit sur le terrain par un excès de précipitation, l'équipe transpirait la peur : tant qu'elle n'avait pas marqué, elle paniquait. L'Algérie donnait l'impression de faire une crise d'angoisse.
Il y a peut-être aussi eu un essoufflement dans la sélection algérienne, pas assez de renouvellement. C'est la même équipe depuis trois ans, et les joueurs sont arrivés à la CAN avec des états de forme disparates. Tout cela combiné a donné lieu à cette énorme sortie de route.
Le Maroc et la Tunisie, eux, ont connu beaucoup plus de renouvellement. Ce manque de continuité et de vision à long terme, n'est-ce pas aussi un problème ?
Le parcours du Maroc aurait été réussi s'il était passé en demi-finale. L'équipe a laissé entrevoir de belles choses, notamment au 1er tour, et peut avoir des regrets. C'est une équipe solide, mais qui, en quarts, est tombée dans le piège de l'Égypte, un poids lourd de la CAN, avec du métier, et un attaquant hors normes ! Pour le Maroc c'est plus l'histoire d'un match raté que d'un tournoi raté. D'ailleurs, en caricaturant, le Maroc n'a pas perdu contre l'Égypte, il a perdu contre Mohamed Salah.
La Tunisie, elle, est arrivée dans son rôle habituel d'outsider un peu sous-estimé. Elle a connu un démarrage difficile, avec un premier match mal arbitré, et a ensuite été décimée par le Covid-19,. L'équipe changeait à chaque match… Si le sélectionneur, Mondher Kebaier, a été limogé après le tournoi, c'est surtout parce qu'il fallait un bouc émissaire. La Tunisie était en demi-finale la dernière fois, là elle aurait pu l'être, mais en quarts contre le Burkina Faso, elle a manqué d'allant offensif, et n'a tout simplement pas été bonne.
Exceptée l'édition 2019, comment expliquer que les sélections du Maghreb atteignent rarement le dernier carré d'une CAN ? Et qu'ils ne réussissent pas à gagner en Afrique subsaharienne ?
Pour comprendre l'échec des sélections maghrébines, il faut prendre le contre-exemple des Égyptiens. Leurs joueurs sont habitués aux joutes africaines : une grande partie de la sélection est constituée de joueurs locaux, qui ont une expertise des matches en Afrique subsaharienne, avec notamment la Ligue d'Afrique des champions.
L'Algérie, le Maroc et, dans une moindre mesure, la Tunisie, sont davantage des sélections de binationaux, dont les joueurs viennent de partout en Europe. En arrivant à la CAN, ils ne sont pas forcément dans 'leur élément naturel'. En Europe, ils jouent sur des 'billards', donc pour eux, la pelouse du stade Japoma, c'est un terrain de cross ! Ce n'est pas une excuse, mais ce serait hypocrite de dire que ça n'influe pas sur leur style de jeu.
De plus, ce sont des équipes qui aiment produire du jeu, donc face à des adversaires qui 'ne jouent pas', il y a un nivellement par le bas : sur un terrain en mauvais état et sous le cagnard, c'est plus facile de défendre que d'attaquer.