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Attentats du 13-Novembre : excuses, regrets... les dernières paroles des accusés

Au 108e et avant-dernier jour de procès des attentats du 13-Novembre, les quatorze accusés ont chacun été invités à prendre la parole pour formuler leurs dernières pensées avant que la cour ne délibère. Un nouveau temps fort du procès, avant le verdict attendu mercredi. D'ultimes prises de parole qui viennent conclure dix mois de procès. À l’appel de leur nom, lundi 27 juin, les 14 accusés présents devant la cour se sont présentés à la barre ou levés dans le box pour tenter d’apporter les derniers éléments de leur vérité, livrer leurs dernières explications, présenter des excuses. Six autres, dont cinq présumés morts, sont jugés en leur absence. >> À voir : "Attentats de novembre 2015 : 'J’avais peur d’une justice spectaculaire et démesurée'" Hamza Attou Ce sont les trois accusés en comparution libre qui se présentent les premiers à la barre. Hamza Attou, polo gris, explique d'emblée qu’il a "confiance en la justice". Puis il condamne tous les attentats terroristes avant de "remercier les victimes et leurs familles d’être venues" vers lui. "Je leur souhaite le meilleur." Il termine sa courte prise de parole en remerciant "les avocats, les psychologues et tous les membres de la cour". Hamza Attou avait accompagné Mohammed Amri pour aller récupérer Salah Abdeslam après les attentats à Paris. Il avait été arrêté le lendemain en Belgique. Remis à la France en juin 2016, il avait été incarcéré avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire en mai 2018. Le parquet a requis une peine de six ans de prison contre lui. Abdellah Chouaa "J’ai tellement peur de votre décision. Je ne suis pas un terroriste, je ne suis pas parmi ces gens-là", bredouille Abdellah Chouaa, le souffle entrecoupé par l’émotion. "Certes, je suis allé chercher Abrini à l’aéroport mais je n’ai jamais su ce qu’il avait en tête, poursuit l’homme à la veste grise, polo blanc et lunettes de vue. J’ai envie de dire que je suis innocent. Mon nom est lié pour toujours à ce procès, et j’en souffre." Reprenant longuement sa respiration, il s’en prend à Mohammed Abrini. "Franchement, je t’en veux, Mohamed, t’as détruit ma vie, je ne sais pas si un jour je te pardonnerai, frère, mais j’en souffre." Puis il explique qu’il n’a pu avouer à ses enfants qu’il était accusé dans le procès. "Mon fils m’a demandé si je serais présent à la remise de son CAP, j’ai honte, je n’ai pas eu le courage de lui dire." Il termine en remerciant les parties civiles qui sont venues le voir chaque jour à Châtelet, sur la place de la fontaine. Abdellah Chouaa est soupçonné d’avoir apporté un soutien logistique à la cellule qui a préparé les attentats, pour un trajet entre Bruxelles et Charleroi. L'accusé nie les faits qui lui sont reprochés. Une peine de six ans est requise contre lui. Ali Oulkadi "Il y a un moment que j’appréhende par-dessus tout, c’est quand je vais devoir expliquer tout ça à mes enfants, lance Ali Oulkadi, polo blanc, liseré bleu marine. J’espère que cette étiquette qui me colle à la peau, ne collera pas à la leur. J’espère que cette idéologie sera complètement éradiquée. J’aimerais retrouver une vie normale, me consacrer à l’éducation de mes enfants. Auprès de ma femme qui m’a soutenu. Je fais confiance à la justice et j’ai confiance en vous, M. le président." Comme Abdellah Chouaa et Hamza Attou, Ali Oulkadi comparaît libre après deux ans et demi de détention provisoire. Il est soupçonné d’avoir aidé Salah Abdeslam après les attentats. Lui assure qu’il ne savait rien de ses projets. Le ministère public a requis cinq ans de prison contre lui. Mohamed Abrini Après une très brève prise de parole de Muhammad Usman, c’est au tour de Mohamed Abrini de s’exprimer. "Je vais faire très court, je n’ai pas attendu le procès pour avoir des remords et des regrets, confie l’homme au tee-shirt blanc derrière la vitre. Ce n’est pas parce qu’on me le demande que je vais en avoir. J’ai fait du tort, j’aurais pu arrêter tout ça. Je regrette tous les jours en voyant les victimes dans la salle. Ce qui s’est passé n’aurait jamais dû arriver. Je présente encore une fois toutes mes excuses aux victimes, j’espère du fond de mon cœur qu’elles pourront avancer dans la vie et se reconstruire." Celui que la presse a surnommé "l’homme au chapeau" après les attentats de Bruxelles et qui, pour ceux de Paris, avait accompagné les commandos en région parisienne avant de rentrer en Belgique, risque la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans et, pour ce citoyen belge, une interdiction définitive du territoire français. Farid Kharkhach Chemise verte, lunettes noires, petite queue de cheval et tête rasée sur les côtés, Farid Kharkhach se lève à son tour pour dire qu’il ne sait pas trop quoi dire. "On m’a dit, parle avec ton cœur, ça ne m’a pas beaucoup aidé, mais ce qui me vient là, c’est de remercier tout le monde. Merci à mes avocats, les 'trois mousquetaires', qui m’ont soutenu, pas forcément pour parler du dossier. Notamment après la mort de mon père, quand mes frères ne sont pas venus." Puis il s’adresse aux victimes. "Vous m’avez appris beaucoup de choses, le courage, le respect, le pardon." Il tient aussi à rectifier des propos qui ont été tenus à son sujet. "On a dit que j’étais lâche, que je savais qu’il était dangereux. En aucun cas je ne savais qu’il était dangereux. Je ne veux pas que l’on me colle une étiquette de terroriste." Farid Kharkhach est accusé d’avoir fourni des faux papiers à la cellule terroriste, à la demande de Khalid El Bakraoui, un des auteurs des attentats de Bruxelles. Le parquet a requis six ans d’emprisonnement et une interdiction de se rendre sur le territoire français de dix ans. Mohammed Amri "Le premier jour du procès, je me suis dit que je n’arriverais jamais à prendre la parole, commence Mohammed Amri, en chemise blanche. C’était un moment difficile mais en tout cas, j’ai pu m’exprimer. Je suis désolé d’avoir amené Salah Abdeslam. Si c’était à refaire, je ne le ferais pas. Je ne savais pas ce que Brahim et Salah allaient faire avec ces voitures. J’ai aussi été ému par les témoignages des parties civiles. Ce n’est pas parce que je suis dans le box que je ne suis pas touché." Proche des frères Abdeslam, il a reconnu être allé chercher Salah Abdeslam en voiture le soir des attentats pour le ramener en Belgique tout en sachant qu’il était impliqué dans les attentats. Les avocats généraux ont requis contre lui une peine de huit ans d’emprisonnement. Ali El Haddad Asufi Vient ensuite le tour d'Ali El Haddad Asufi, 38 ans. L’ancien employé de l’aéroport de Zaventem assure qu’il n’aurait jamais accepté s'il avait eu connaissance d’un tel projet. "J’ai toujours condamné ces attentats sans aucune réserve. Je voulais dire plein de choses mais c’est un peu stressant de s’exprimer. Je ne suis pas un terroriste, je n’aurais jamais participé à tout cela. J'ai fait des mauvais choix, que je regrette sincèrement. J'ai appris sur mes fautes", conclut l’homme à la chemise blanche impeccable. Ali El Haddad Asufi est soupçonné d’avoir aidé la cellule terroriste à rechercher des armes. On le soupçonne d’avoir su que son ami Ibrahim El Bakraoui, l’un des membres de la cellule et l’un des kamikazes des attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016, était affilié au groupe État islamique. Le ministère public a requis contre lui une peine de 16 ans de prison assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Sofien Ayari Tee-shirt noir, barbe noire touffue, Sofien Ayari avoue ne pas savoir quoi dire. "Si on se défend, on a une défense de dealer de shit, et si on se tait, c’est manquer de respect aux victimes. Si on ne comparaît pas, on est irrespectueux, si on comparait, ce n’est pas une preuve de respect non plus. Je ne sais pas quelle attitude adopter, j’ai l’impression que quoi qu’on dise, ça manque de sincérité. J’ai expliqué les raisons pour lesquelles je me suis tu. Il y a des réponses que je ne peux pas apporter. J’ai donné les explications sur mon départ en Syrie" – où il a reconnu être allé combattre dans les rangs du groupe État islamique. Puis Sofien Ayari avance qu’il est important de s’expliquer pour ne plus revivre de tels drames. "Je veux que plus jamais, on ne soit confronté à une situation pareille. Après dix mois, après tout ce qu’on a vécu, je souhaite aux victimes de surmonter les difficultés." Enfin, il assure qu’il n’a pas été méprisant comme cela a pu être entendu. "J’ai aimé, j’ai détesté, mais je n’ai jamais eu de mépris." Osama Krayem et Sofien Ayari ont été envoyés ensemble en Syrie pour intégrer la cellule terroriste des attentats du 13-Novembre. Mutiques, ils n'ont pas livré d'explications sur leur passage à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam, le 13 novembre 2015. Le ministère public a requis la perpétuité assortie d'une période de sûreté de trente ans à l'encontre de Sofien Ayari. Osama Krayem, Adel Haddadi et Mohamed Bakkali Après un signe négatif de la tête d'Osama Krayem, indiquant qu'il ne souhaite pas s’exprimer, et la très brève prise de parole d'Adel Haddadi, qui admet avoir fait "des fautes et des mauvais choix", le président de la cour, Jean-Louis Périès, propose à Mohamed Bakkali de prendre la parole. "Pour ma défense, non, je n’ai rien à ajouter", commence l’homme en polo à manches longues, avant de présenter ses excuses aux victimes. "Je ne l’ai pas fait avant car je pensais que ces mots n’avaient pas de place face à leur douleur", explique-t-il. Qualifié par l’accusation de "surintendant de la terreur", il est accusé d’avoir loué deux des planques des terroristes à Schaerbeek, près de Bruxelles, et participé à la gestion et à l’approvisionnement de ces caches. Il est le seul membre de la cellule dont la procédure a établi qu’il connaissait l’ensemble des six planques utilisées par les terroristes. Le parquet a requis contre lui la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans. Yassine Atar Avant de passer à Salah Abdeslam, c’est Yacine Atar qui prend la parole. Chemise rayée, rasé de près, cheveux courts grisonnants, il assure une dernière fois qu’il n’a "jamais imaginé une seconde que ces hommes pouvaient être des terroristes. Mon fils va bientôt fêter ses sept ans, je compte bien les célébrer avec lui car j’ai confiance en la justice. Je n’ai rien à faire dans ce box", ajoute-t-il en s’adressant cette fois à la cour. Yassine Atar est le frère d’Oussama Atar, considéré comme le commanditaire des attentats du 13-Novembre et présumé mort en Syrie, et le cousin germain de Khalid et Ibrahim El Bakraoui. Il est notamment soupçonné d’avoir détenu une clé de la planque de Bruxelles où s’est caché Salah Abdeslam après les attentats. Le parquet a requis contre lui neuf ans d’emprisonnement assortis d’une période de sûreté des deux tiers. Salah Abdeslam Enfin, veste matelassée grise fermée jusqu’au cou, barbe noire, Salah Abdeslam clôture les prises de parole. "Mes premiers mots aux victimes. J’ai présenté mes excuses mais certains diront qu’elles ne sont pas sincères. Qui peut présenter des excuses insincères devant tant de souffrances ? C’est peut-être la dernière fois que je m'exprime devant vous. Il n’a échappé à personne que j’ai évolué pendant ce procès", assure le seul survivant des commandos de la mort, dont les motivations pour ne pas avoir fait sauter sa veste d'explosifs restent floues. "Je ne reviendrai pas sur les violences des policiers belges qui m’ont malmené. Ils ont sauté sur moi, m’ont tapé. Ils avaient du plaisir à me faire du mal. Du harcèlement jour et nuit. On me harcelait tellement que je vomissais jour et nuit. On m’a traîné comme un chien à l’hôpital", raconte encore Salah Abdeslam. "Puis on m’a amené dans cette enceinte, je n’avais pas vu autant de monde depuis tout ce temps. Je me suis apaisé, pas parce que j’ai entendu votre souffrance mais parce que j’ai retrouvé un semblant de vie sociale. Je remercie mes avocats, qui ont accompli un travail formidable." Se tournant vers le président de la cour, il reprend : "C’est avec l’épée du parquet sur le cou que je m’adresse à vous. L’opinion publique dit que j’étais sur la terrasse avec une kalachnikov. L’opinion publique pense que j’étais au Bataclan et que j’ai tué des gens. Vous savez que la vérité est à l’opposé. [S'il faisait bien partie des commandos, Salam Abdeslam se défend d'avoir tué quiconque le 13 novembre 2015, NDLR.] Les valeurs de la France sont en train de s’effriter et ces réquisitions sont là pour le prouver. La dureté est à portée de tous et le contraire est plus rare." Et celui qui risque la réclusion criminelle à perpétuité incompressible – la plus lourde sanction prévue par le Code pénal – de conclure : "J’ai reconnu dans cette enceinte que je n’étais pas parfait, j’ai fait des erreurs, mais je ne suis pas un assassin. Si vous me condamnez pour assassinat, vous commettrez une injustice." Le président Périès reprend la parole et rappelle aux juges qu’ils ne doivent désormais plus se poser qu’une seule question : "Avez-vous une intime conviction ?" Les cinq magistrats professionnels qui composent la cour d’assises spéciale se retirent pour délibérer. Dans le box, les discussions entre les accusés se prolongent, des ultimes échanges avant probablement de longues années d’incarcération. Le verdict est attendu mercredi 29 juin, à partir de 17 h.

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