Attaque à Paris : l'assaillant, un converti qui assurait ne "plus être musulman"
Connu de la justice pour son islam radical et des troubles psychiatriques, l'homme de 26 ans auteur de l'attaque au couteau survenue à Paris samedi, qui a tué une personne et blessé deux autres, avait déjà été interpelé en 2016 par la DGSI pour un projet d'attaque dans le quartier de La Défense et incarcéré. Retour sur le profil de l'assaillant.
La police française sécurise l'accès au pont Bir-Hakeim après une attaque au couteau à Paris qui a coûté la vie à un touriste, le 3 décembre 2023.
Arrêté samedi 2 décembre après avoir tué à Paris un touriste germano-philippin à coups de couteau et s'en être pris à deux autres personnes armé d'un marteau, Armand Rajabpour-Miyandoab, jeune Franco-Iranien, était connu de la justice pour son islam radical et ses troubles psychiatriques.
L'assaillant "était impliqué dans le réseau jihadiste depuis un moment", souligne Wassim Nasr, journaliste de France 24 spécialiste des mouvements jihadistes. "Il était en relation avec le tueur de Magnanville (en juin 2016, NDLR) celui de Saint-Etienne du Rouvray et avec des jihadistes en Syrie. Il a essayé, lui-même, d’aller en Syrie", indique-t-il à l'antenne de France 24 (vidéo à voir ci-dessous).
Né en France de parents réfugiés iraniens, résidant en Essonne (dans le sud parisien), l'homme de 26 ans avait déjà été interpellé par le renseignement intérieur (DGSI) en 2016 pour un projet d'attaque à La Défense, un quartier d'affaires à l'ouest de Paris.
Alors étudiant en biologie, il avait formé le projet de rejoindre le groupe terroriste État islamique en zone irako-syrienne et entretenait des contacts avec "trois terroristes récidivistes", d'après le tribunal de Paris qui l'a jugé en 2018. Avant, "il n'avait jamais fait parler de lui". Aucune mention au casier judiciaire.
Dans ce dossier, Armand Rajabpour-Miyandoab a écopé de cinq ans de prison dont un avec sursis, et en était sorti en 2020 après quatre ans de détention, ont précisé des sources proches du dossier. Connu pour troubles psychiatriques et islam radical, il avait suivi un traitement médical psychiatrique tout au long de sa détention et après sa sortie, où il était placé sous contrôle judiciaire et sous Micas, un dispositif administratif assorti de mesures visant à prévenir des actes de terrorisme.
"Les premiers mois étaient encourageants", il semblait s'être "détaché de la religion" après sa remise en liberté, selon une source sécuritaire.
Samedi, peu après 21 h, près du pont Bir Hakeim enjambant la Seine, il a crié "Allah akbar" à plusieurs reprises, selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
"Un promoteur de l'idéologie jihadiste" en 2015
Armand Rajabpour-Miyandoab s'est "intéressé" à l'islam en 2014 puis converti après avoir rencontré en 2015 un jihadiste, Maximilien Thibaut, par l'intermédiaire d'un site de graffitis, selon le tribunal de Paris.
"Son besoin de repères" avait accéléré la radicalisation, estimait au cours de l'enquête en 2017 un psychologue l'ayant suivi, "l'État islamique lui donnant notamment des critères directifs de son mode de vie". Fini la musique, les amis... jusqu'à devenir "un promoteur de l'idéologie jihadiste" en 2015.
Interpellé en 2016, il affirme pourtant : "Je me suis radicalisé et auto-déradicalisé". "Je ne suis plus musulman mais je m'intéresse quand même à ce qu'il se passe là-bas", dit-il. Pour le tribunal, ce processus de déradicalisation apparait "fragile" : en juin 2016 encore, le jeune homme faisait des recherches en ligne sur "des bombes au phosphore" ou encore sur Adel Kermiche, assassin du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime).
Confronté à ses contradictions, il reconnaît, en 2016, avoir "encore des idées noires" – "l'attentat de Nice ne (lui) a pas déplu" – et estimait avoir "besoin d'un suivi". Au procès en 2018, sa mère le dit "manipulé" et confiait avoir très mal vécu sa conversion à l'islam. Sa sœur aînée parle de sa "timidité maladive".
Dissimulation ? En 2020, selon le magazine L'Obs, il s'était présenté au commissariat après l'assassinat du professeur Samuel Paty en octobre 2020 dans les Yvelines, pour signaler qu'il avait échangé avec l'assaillant Abdoullakh Anzorov sur les réseaux sociaux deux semaines plus tôt. Il ne sera pas poursuivi à l'issue de sa garde à vue, au cours de laquelle il avait affirmé être devenu "anti islamistes radicaux ou non-radicaux" après son passage en prison.
"Il est sorti de détention avec une sorte de haine envers l'islam à cause de ce qu'il a vécu depuis sa détention", avait déclaré à cette occasion sa mère, toujours selon L'Obs. "Il se sent surtout à 100% français, il en est sorti avec un amour pour la France".
Toutefois, cet homme à la personnalité "très influençable", "très instable", suscitait à nouveau des inquiétudes depuis le printemps-été 2022, selon la source sécuritaire.
Une "activité numérique importante"
"C’est un profil qui ressemble à celui du tueur de Vienne", en novembre 2020, estime Wassim Nasr, qui rappelle : "Quelqu’un qui n’a jamais été en Syrie, qui a été incarcéré pour terrorisme, et qui a, après avoir suivi un parcours de 'déradicalisation', montré patte blanche et dit qu’il ne s’intéressait plus à la religion. Cela pour finalement s’attaquer à une synagogue à Vienne, à des passants, et faire des morts". "C’est un profil qui devient habituel de personnes qui étaient impliquées à un moment, incarcérées, jamais sur zone, mais qui retrouvent cet activisme jusqu’à passer à l’acte et commettre des meurtres", indique Wassim Nasr.
Après son arrestation samedi soir, il a déclaré aux policiers "qu'il en voulait à ce qu'il se passait à Gaza, que la France serait complice de ce que faisait Israël. Il aurait dit qu'il en avait marre de voir des musulmans mourir, tant en Afghanistan qu'en Palestine", a précisé le ministre de l'Intérieur.
"L'actualité récente pourrait l'avoir fait décompenser", juge la source sécuritaire. Les enquêteurs vont aussi se pencher sur son suivi médical. "Est-ce qu'il était suivi médicalement comme il aurait dû l'être et comme il l'a été un temps ? C'est un sujet qui se posera", dans l'enquête, selon la source sécuritaire.
Selon une source proche du renseignement, 20 % des quelque 5 000 personnes suivies pour radicalisation en France souffrent de troubles psychiatriques.
Armand Rajabpour-Miyandoab avait, par ailleurs, une "activité numérique importante". Très peu de temps avant son attaque, de façon "quasi concomitante", une vidéo de revendication de son acte a été postée sur les réseaux sociaux dans laquelle un homme évoque notamment "l'actualité, le gouvernement ou le meurtre de musulmans innocents", a indiqué la source sécuritaire.
Avec AFP