Assassinat de Samuel Paty : "Chaque hommage, c'est se lever contre l'islamisme radical", souligne l'avocate de la famille
Plusieurs hommages sont rendus ce vendredi, à la veille du premier anniversaire de l'assassinat du professeur d'histoire-géographie.
"Chaque hommage, c'est se lever contre l'islamisme radical", a affirmé ce vendredi 15 octobre sur franceinfo maître Virginie Leroy, avocate de la famille de Samuel Paty, alors queplusieurs hommages seront rendus dans les établissements scolaires à la veille du premier anniversaire de l’assassinat du professeur d'histoire-géographie. Selon elle, "il n'y a pas de colère" chez la famille de Samuel Paty, mais "un grand sentiment d'injustice" et de la "peine".
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franceinfo : Comment la famille se prépare à cette commémoration ?
Virginie Leroy : Elle va la vivre avec beaucoup de recueillement. Et puis, quelque part aussi du bonheur parce que l'hommage, il est important. Du bonheur de voir la mémoire de Samuel continuer à vivre, de voir ses combats continuer à vivre. Chaque hommage, c'est se lever contre l'islamisme radical. Et puis, c'est célébrer la liberté d'expression. Il faut que ce soit ça. C'est indispensable.
Y a-t-il encore de la colère chez la famille de Samuel Paty ?
Il n'y a pas de colère. Il y a beaucoup d'incompréhension, il y a forcément un énorme sentiment d'injustice. Un acte barbare qui tue, sans raison. Samuel Paty est mort pour avoir montré des dessins, pour avoir exercé un droit fondamental de notre pays. Donc, oui, il y a un grand sentiment d'injustice, mais il n'y a pas de colère, de la peine, oui.
Quinze personnes sont mises en examen. Parmi elles, il y a la collégienne qui a déclenché cette spirale de violence en mentant sur ce qu'avait fait Samuel Paty. Quelle est pour vous sa part de responsabilité?
On parle d'une mineure, on parle d'une collégienne. Sa part de responsabilité sera établie in fine au bout de l'instruction. C'est par elle que la fausse polémique arrive. Elle est au cœur du démarrage de cet engrenage. Ella a donc une responsabilité.
A-t-elle pris conscience des conséquences de son mensonge ?
Je l'espère pour la famille. Les prises de conscience doivent être multiples dans ce dossier. Il faut que les choses avancent. Et puis, je l'espère pour elle.
Son père est mis en examen pour complicité d'assassinat. Il a "médiatisé" l'affaire sur les réseaux sociaux. Qu'attendez-vous de lui ?
Je n'attends pas grand-chose de lui. J'espère aussi qu'il fera son chemin de réflexion et qu'on aboutira à quelque chose de constructif dans le cadre de l'instruction, puis dans le cadre du procès. Je ne vais pas dévoiler les termes de l'enquête qui est couverte par le secret de l'instruction. Mais pour l'instant, je n'ai pas d'explication qui soit véritablement audible, compréhensible. Je les attends.
D'autres collégiens sont poursuivis, cette fois pour avoir accepté de renseigner le terroriste devant le collège moyennant de l'argent. À votre connaissance, dans quel état d'esprit sont-ils ?
On est dans un cadre un peu différent. Et à ma connaissance, en effet, cela provoque chez eux un cataclysme parce qu’on sait qu'ils étaient missionnés, entre guillemets, par Anzarov pour surveiller et pour désigner Samuel Paty. On sait aussi qu'ils savaient qu'Anzarov allait, à tout le moins, forcer le professeur à s'excuser en le filmant, voire le frapper. Cela interroge beaucoup. Je pense que ces collégiens doivent être dans un état absolument dramatique.
Cinq jours avant son assassinat, Samuel Paty alerte ses collègues. Il se dit menacé par des islamistes. Est-ce qu'il y a eu pour vous des signes avant-coureurs qu'on n'a pas vus ou qu'on n'a pas voulu voir ?
Qu'on n'a pas voulu voir, je n'en sais rien, qu'on n'a pas vus, très certainement parce que les signes avant-coureurs étaient multiples. On a une polémique sur des sujets quand même très sensibles. Il ne faut pas perdre de vue que l'assassinat de Samuel Paty intervient dans un contexte très particulier. On est en octobre 2020. On a la republication des caricatures par Charlie Hebdo. L'ouverture du procès Charlie Hebdo. On vient d'avoir le discours du président de la République aux Mureaux sur le séparatisme. Et puis, on a cet appel à la frappe d'Al-Qaïdaen septembre qui vise le blasphème, qui vise les caricatures et la France mécréante. Cette polémique est montée de toutes pièces. Elle est très, très vite relayée par les réseaux sociaux. Abdelhakim Sefrioui est quand même très connu des services depuis plusieurs dizaines d'années. C'est un fiché S qui œuvre pour des idées très radicales sur l'islamisme radical. C'est celui qui depuis le début du dossier accompagne le père de famille au collège en menaçant de se répandre dans la presse, de faire des manifestations, de saisir l'administration, etc. Il demande une sanction contre Samuel Paty. Donc tout cela, évidemment, crée un climat qui est extrêmement sensible. Le collège très vite fait l'objet de menaces. À l'époque, la principale prend pleinement conscience de la menace et elle soutient Samuel Paty.
Donc s'il y a une faille, elle vient des services de renseignements ?
Si faille, il y a, c'est évidemment des services du ministère de l'Intérieur. Je le dis très clairement, il y a une plainte qui est déposée, des infos qui sont relayées à la préfecture de police, aux renseignements territoriaux. Le terroriste qui passe à l'acte, Anzarov, est signalé sur Pharos, la plateforme de signalement des réseaux sociaux. Il recherche activement sur Twitter, en source ouverte, des cibles et on arrive à ce drame. Et rien n'a été fait pour protéger Samuel Paty. Quand peut-on espérer un procès ?
Le procès n'est pas pour tout de suite. On peut espérer un procès vers 2023-2024. C'est une enquête complexe, il y a plusieurs groupes de mises en examen, plusieurs responsabilités très différentes. Les réseaux sociaux, les collégiens, les instigateurs et les complices purement logistiques également. Et tout ça, c'est très long.