Amendes : "La dissuasion existe aussi bien pour les grandes plateformes numériques que pour les acteurs traditionnels", avertit l’Autorité de la concurrence
"La dissuasion existe aussi bien pour les grandes plateformes numériques que pour les acteurs traditionnels", a déclaré jeudi 8 juillet sur franceinfo, Isabelle De Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a infligé plus d’1,7 milliard d’euros d’amende, selon son dernier rapport publié le même jour. Il s’agit du plus haut niveau de sanction de son histoire. Et le mauvais élève est Apple : l’entreprise se voit infliger à elle seule 1,1 milliard d’euros d’amende. "Le message, c’est que tous les acteurs doivent respecter le droit de la concurrence, l’équité concurrentielle entre les acteurs, notamment éviter ce qui constitue des ententes", a indiqué Isabelle De Silva.
franceinfo : Il n’y a jamais eu autant de sanctions. Cela veut-il dire que vous n’avez jamais aussi bien travaillé, ou qu’il y a des secteurs où l’on fait de plus en plus fi des règles les plus élémentaires ?
Isabelle De Silva : Je crois que ce chiffre exceptionnel est la résultante de beaucoup d’efforts de l’Autorité pour traiter l’ensemble des dossiers les plus importants, notamment ceux des grandes plateformes numériques. La sanction très importante concernant Apple, c’est aussi la marque du poids qu’un acteur comme Apple occupe dans l’économie française. D’une certaine façon, on voit par les sanctions un effet de la prise de pouvoir des plateformes dans l’économie. Nous avons vraiment œuvré pour continuer à mettre en œuvre nos missions, d’une façon diligente, y compris dans des secteurs où les agissements peuvent avoir des effets très nocifs et à longue durée, comme le secteur du médicament.
Cette somme ce n’est pas grand-chose pour une entreprise comme Apple, mais, malgré tout, quel est le message ?
Le message, c’est que tous les acteurs doivent respecter le droit de la concurrence, l’équité concurrentiel entre les acteurs, notamment éviter ce qui constitue des ententes. Nous avions considéré qu'Apple, ses distributeurs, avaient constitué une entente pour limiter la concurrence. Ils doivent aussi éviter de pénaliser certains acteurs économiques qui sont dans une position plus faible. Pour la première fois, nous avons sanctionné un abus de dépendance économique d’Apple, vis-à-vis de ses distributeurs qui n’avaient plus de marge d’action. La dissuasion existe aussi bien pour les grandes plateformes numériques que pour les acteurs traditionnels, qui avaient été plus habitués à ce type de sanctions.
Il y a un autre dossier : Google, et la fameuse question des droits voisins pour les éditeurs de presse. Cela va-t-il être réglé rapidement ?
Nous travaillons très activement à finaliser ce dossier, nous rendrons notre décision dans les prochains jours. Il s’agira de déterminer si Google a bien respecté les injonctions que nous lui avions adressées dans notre décision de l’année dernière sur les droits voisins, et qui lui demandaient de négocier de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse. Nous avons mené une instruction très approfondie. Je ne peux pas vous livrer aujourd’hui le résultat de cette instruction. Mais ce que l’on peut dire dans cette affaire, c’est qu’elle me semble exemplaire dans l’usage qu’a fait l’Autorité de ses pouvoirs d’urgence. Nous avions eu à cœur de traiter le problème en quelques mois lorsque les éditeurs et les agences de presse nous avaient saisis de ce sujet, en tenant une audience avant même que le confinement n’entre en vigueur. Et en traitant ce dossier avec beaucoup de diligence. Nous pensons que l’un des enjeux pour toutes les autorités, et particulièrement pour les autorités de régulation économique, c’est de traiter ces dossiers très rapidement pour que les acteurs économiques aient une réponse au moins au stade de la procédure d’urgence.
Quel sera le calendrier de l’Autorité de la concurrence pour se prononcer sur la fusion entre TF1 et M6 ?
Les équipes de l’Autorité ont commencé à travailler très activement avec les entreprises. On est au stade que l’on appelle "pré-notification". Nous commencerons à réaliser les interrogations des acteurs du marché à la rentrée de septembre. Nous avons un calendrier précis qui se déroule jusqu’à l’année prochaine vers les mois de septembre et octobre 2022. Il prend en compte aussi le fait que ce dossier est étudié en parallèle par le CSA [Conseil supérieur de l'audiovisuel]. C’est un dossier d’envergure qui affecte beaucoup de marchés différents. La publicité télévisée bien sûr, mais aussi les marchés d’acquisition de droits. C’est pour cela que ce rythme qui nous mène jusqu’à l’automne prochain est en réalité très rapide car nous aurons beaucoup de travail à faire dans un temps réduit.