À la marche des fiertés, une communauté LGBT qui en a assez des promesses en l'air
Plusieurs milliers de personnes ont défilé, le 26 juin 2021, pour la marche des fiertés parisienne, de Pantin jusqu'à la place de la République.
La marche des fiertés parisienne, partie pour la première fois, samedi, de banlieue, avait pour mot d’ordre "plus de droits, moins de blabla". Un cri d’alarme, à un an de l’élection présidentielle, à l'attention d’Emmanuel Macron, qui a notamment promis de faire passer la PMA pour toutes durant son mandat.
"Plus de droits, moins de blabla, trop de promesses, on régresse". La banderole affichant le mot d’ordre de la marche des fiertés 2021 s’étalait en grand, samedi 26 juin, en tête de cortège. Malgré un temps pluvieux, plusieurs milliers de personnes se sont retrouvées à Pantin, au nord-est de Paris, pour le premier départ depuis la banlieue de toute l’histoire de la "Gay Pride" parisienne.
Le but est "que la marche ressemble" aux "bénévoles et gens qui l'organisent, qui n'habitent pas tous un duplex dans le Marais mais en banlieue", explique Matthieu Gatipon-Bachette, porte-parole de l'Inter-LGBT (lesbiennes, gays, bis et trans), quelques heures avant le début de l’événement.
Mais au-delà du symbole géographique et social, la manifestation mettait l’accent, à moins d'un an de la prochaine élection présidentielle, sur les promesses non tenues d’Emmanuel Macron. Après quatre années à attendre l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes homosexuelles, et alors que le projet de loi bioéthique est actuellement examiné au Parlement, la communauté LGBT+ trouve le temps long.
De très nombreuses femmes étaient présentes à la marche des fiertés. Et au milieu des dizaines de drapeaux arc-en-ciel, plusieurs pancartes faisant référence aux difficultés rencontrées actuellement par les femmes lesbiennes pour concevoir un enfant.
Attendre "pendant des années une loi qui n’arrive pas"
"J’ai fait plusieurs inséminations artificielles en France avec des gynécologues qui sont militants et qui acceptent de pratiquer les inséminations. Malheureusement j’y ai passé toutes mes économies et ça n’a pas fonctionné", raconte Virginie, une militante.
La PMA lui permettrait d’être prise en charge, mais augmenterait également ses chances de tomber enceinte. "La PMA, ce n’est pas juste pour l’accessibilité et la prise en charge, c’est aussi une question de logistique. On a la chance aujourd’hui d’avoir des gynécologues qui acceptent de faire des inséminations, mais ils ne peuvent pas faire plus. La loi permettra de meilleurs examens pour vérifier le taux d’hormones de la femme, voir s’il faut l’aider en la stimulant, déterminer le moment exact pour inséminer."
L’Inter-LGBT regrette que le gouvernement n’ait pas fait de la PMA l’une de ses priorités, contraignant de nombreuses femmes, à l’image de Virginie, à tenter une insémination illégale, pour laquelle le gynécologue conciliant risque une radiation et cinq ans de prison. D’autres préfèrent se rendre à l’étranger, comme en Espagne ou au Danemark. D’autres encore tentent des inséminations artisanales, pour lesquelles les risques sanitaires sont réels.
La loi bioéthique devrait être votée définitivement en juillet, mais Virginie reste sceptique. "Ça fait tellement longtemps qu’on nous la promet que tant que je ne l’aurai pas vue sur le papier, j’aurai du mal à y croire. On voit d’ailleurs que les personnes trans ont été sorties du texte sans aucune raison valable. Nous sommes face à des gouvernements qui allègent les textes et les repoussent sans cesse. Malheureusement, aujourd’hui j’ai 40 ans et il y aura un âge limite. Or s’il y a trop de délai, il y a un moment où je ne serai plus éligible. Et je ne suis pas la seule dans ce cas-là à avoir attendu pendant des années une loi qui n’arrive pas."
Lutte contre la transphobie
La marche des fiertés 2021 a également mis en avant la problématique des jeunes transgenres, confrontés à des chefs d’établissements scolaires qui ne savent pas gérer ce type de situation. Là encore, l’inter-LGBT dénonce une promesse non tenue du gouvernement, qui s’était engagé à former les personnels éducatifs.
Alix, un jeune homme trans de 21 ans participant à la marche des fiertés, regrette le recul du gouvernement sur ce sujet. "Pendant mes études, ça a été un peu difficile. J’ai réalisé que j’étais trans après le lycée. À ce moment-là, j’étais dans une filière sport avec beaucoup d’hommes qui faisaient pas mal de réflexions limites. J’ai entendu des propos qui m’ont fait du mal. J’avais envie de parler de ce que je vivais mais je n’y arrivais pas, c’était trop compliqué."
Présente également dans le cortège, samedi, Lucile Jomat, présidente de SOS Homophobie, a passé plusieurs mois à élaborer avec le ministère de l’Éducation nationale ce fameux document destiné à faire évoluer la prise en charge des personnes transgenres dans le milieu scolaire. Cette soixantaine de pages devait être envoyée le 17 mai à l’ensemble des personnels éducatifs, de la maternelle au lycée. Le ministre, Jean-Michel Blanquer, est finalement revenu sur sa promesse. Non seulement le document n’a pas été envoyé ou publié, mais les associations ayant participé à son élaboration n’ont reçu aucune explication et restent à ce jour sans aucune nouvelle du ministère.
"Le contenu était plutôt positif. Il y avait notamment des lignes directrices sur la question de l’accueil pour affirmer que seule la personne concernée peut savoir qui elle est et qu’un établissement ne pouvait pas refuser un changement de nom d’usage et de pronom, explique Lucile Jomat. Jusqu’à présent, les décisions se prennent en fonction des chefs d’établissement, il n’y a pas de règles communes. Certains refusent. D’autres encore demandent une preuve de dysphorie de genre [le sentiment d’inadéquation entre le genre assigné à la naissance et l’identité ressentie, NDLR]."
Pour beaucoup de manifestants, le gouvernement fait de la communication, mais agit peu concrètement. "Les questions LGBT servent souvent aux politiques à faire de l’affichage, mais au final, il y a très peu d’avancées et toujours beaucoup de discriminations. C’est pour cela qu’il y a des 'Pride' et qu’on est là", insiste Alix.