"À aucun moment on a été consultés" : la fronde des flics de la PJ contre la réforme de la police
"À aucun moment on a été consultés" : la fronde des flics de la PJ contre la réforme de la police
Un projet de réforme prévoit de réunir tous les services de police, dont la prestigieuse police judiciaire, à l'échelle du département. De nombreux policiers de la PJ s'inquiètent de perdre leur spécificité et leurs capacités à enquêter.
Ces derniers jours, sur internet, ils ont remplacé sur l'écusson de la police judiciaire, le fameux tigre par un petit chat inoffensif. Pour attirer l'attention, les enquêteurs de la police judiciaire manient l'humour mais ont surtout monté une association. Le millier de policiers qui y ont adhéré s'opposent àla réforme de la police portée par Gérald Darmanin. Une fronde d'une rare ampleur dans le milieu de la PJ.
L'objet de leur inquiétude : la nomination d'un responsable unique, un Directeur départemental de la police nationale (DDPN), pour tous les services de police à l'échelle du département : les renseignements, la sécurité publique, la police aux frontières (PAF) et la police judiciaire (PJ). Un sujet dont Gérald Darmanin devait s'entretenir jeudi 1er septembre avec les principaux chefs de la PJ reçus place Beauvau.
Selon ce scénario tant redouté, affirme Franck, membre de la PJ, les enquêteurs auraient moins de temps pour traquer les barons de la drogue : "Les Brigades du Tigre n'existeront plus demain. On est mis devant le fait accompli. À aucun moment, on n'a été associés, consultés. Tout ça se fait avec ce sentiment de mépris."
Dans les départements où des expérimentations ont été menées, les enquêteurs de la PJ, parfois perçus comme des divas, retiennent souvent le négatif, quand on leur demande d’aller s’occuper d’un accident de la route, ou qu’on les encourage à se former au maintien de l’ordre. Ces derniers mois, 1 300 d’entre eux ont adressé à leur hiérarchie un courrier dénonçant les risques de mal-être au travail.
Les magistrats inquiets eux aussi
Mais les tigres ne sont pas les seuls à être inquiets. Le monde de la justice l'est aussi. L’ancien procureur de Paris et actuel procureur général près la Cour de cassation, François Molins, est dubitatif : il estime que la réforme est "porteuse d'un certain nombre de dangers" et qu'elle n'allait pas "dans la bonne direction". Frédéric Macé, juge d'instruction et secrétaire général de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), s'inquiète lui de la charge de travail qui pèsera sur les directeurs départementaux de la police : "Le risque, c'est que ce directeur départemental refuse de mobiliser des moyens, des équipes parfois conséquentes, par exemple pour des perquisitions dans des cabinets d'élus locaux, en nous disant qu'il a d'autres priorités qui lui seront assignées, notamment par le préfet de département qui reste son autorité de tutelle."
Face à cette fronde, le patron de la Police nationale Frédéric veaux a adressé aux enquêteurs un courrier de deux pages pour dénoncer des "informations inexactes" qui circuleraient selon lui sur cette réforme, tout en rappelant l’obligation de traiter la petite délinquance. Côté enquêteurs, la pilule n'est pas passée, pas plus que l’intervention du ministre de l'Intérieur mercredi 31 août. "La police ne peut pas être le seul endroit où l’on ne se réforme pas", a affirmé Gérald Darmanin. Réaction résignée d’un commissaire : "Il n’y a pas d’ouverture".